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janvier 16, 2024

La Solution À Deux États Est La Seule Solution Viable

Bien que la solution à deux États ait toujours été la seule option viable qui respecte le mieux le besoin de sécurité et les intérêts politiques d’Israël, tout en répondant au mieux à l’aspiration nationale des Palestiniens à la création d’un État, la guerre entre Israël et le Hamas ne fait que réaffirmer qu’il n’y a pas d’autre alternative.

La guerre entre Israël et le Hamas a relancé les débats sur une solution à deux États pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien. Celles et ceux qui suivent de près le conflit et qui prennent en considération son histoire, les mentalités des deux peuples, leur affinité et leurs prétentions mutuelles sur le même territoire doivent bien reconnaître que la solution à deux États est la seule solution concrète et viable sur le long terme. D’autres « propositions » circulent, mais lorsqu’on les examine de plus près, on se rend compte qu’aucune d’elles n’est réalisable. Tout comme le statu quo d’ailleurs. Cette situation est insoutenable, comme en témoignent la guerre entre Israël et le Hamas de même que la récente flambée de violence en Cisjordanie.

Après 57 années d’occupation, les relations entre Israéliens et Palestiniens sont pires que jamais. En effet, nous n’avons jamais assisté à un tel niveau de violence qui a coûté la vie de nombreux Israéliens et de tant de Palestiniens et qui n’a semé que le chaos et la destruction. C’est la preuve de l’échec lamentable de ces deux camps qui ne parviennent pas à accepter que ni l’un ni l’autre n’ait de droit exclusif sur l’ensemble du territoire qui s’étend de la Méditerranée au Jourdain et que seule la création de deux États indépendants permettrait de résoudre de manière permanente leur conflit inextricable.

Il a malheureusement fallu une guerre entre Israël et le Hamas pour ramener les deux camps à leur triste réalité. Ils doivent à présent se rendre compte qu’ils ne pourront jamais revenir à leur situation d’autrefois. Les circonstances qui ont déclenché cette guerre entre Israël et le Hamas démontrent que la solution à deux États est la seule option viable. En d’autres mots, la seule autre option est de laisser se poursuivre ce conflit sanglant pendant des décennies.

Première solution : maintien du statut quo
Cette guerre, déclenchée par le Hamas et le massacre de 1 200 Israéliens, a infligé des destructions effroyables à Gaza et entraîné la mort de près de 23 000 Palestiniens, dont 70 % de femmes et d’enfants, à l’heure où j’écris ces lignes. Cette tragédie est la preuve de l’échec cuisant des multiples gouvernements de Benyamin Nétanyahou qui pensaient, les uns après les autres, pouvoir maintenir indéfiniment l’occupation de la Cisjordanie et le blocus de la bande de Gaza, empêchant ainsi le peuple palestinien de créer son propre État.

Nétanyahou et ses fervents partisans semblent avoir été à peine perturbés par presque soixante années d’occupation, ponctuées de violences, d’intifadas, d’actes de terrorisme et de combats. Ces derniers soutiennent que les pertes subies par Israël pendant toutes ces années sont le prix à payer pour ce qu’ils considèrent comme la « protection d’Israël » – comprenez le maintien de l’occupation et l’expansion des colonies. Pendant ce temps, certains ministres encouragent implicitement les colons à harceler les Palestiniens de Cisjordanie, à systématiquement les déshumaniser en rendant leurs conditions de vies insupportables et en contraignant nombre d’entre eux à abandonner leurs terres.

Le maintien du statu quo a créé un État unique de fait, que les gouvernements israéliens successifs ont toujours cherché à obtenir en appliquant un ensemble de lois civiles pour les Juifs israéliens qui vivent en Cisjordanie et la loi martiale pour les Palestiniens, ce qui s’apparente ni plus ni moins à un apartheid.

Au cours de ses 16 années au pouvoir, Benyamin Nétanyahou a délibérément présenté le peuple palestinien comme un ennemi féroce contre lequel il faut lutter avec la plus grande fermeté. Il a également justifié la poursuite de l’occupation comme une manière d’étouffer la résistance palestinienne et d’empêcher les Palestiniens de créer un jour leur propre État. En décembre, Benyamin Nétanyahou s’est exprimé en ces termes : « Je suis fier d’avoir empêché la création d’un État palestinien parce qu’aujourd’hui, tout le monde comprend ce que cet État aurait pu être. Maintenant que nous avons vu le petit État palestinien de Gaza, tout le monde comprend ce qui se serait passé si nous avions capitulé devant les pressions internationales et permis la création d’un tel État en Judée et en Samarie [Cisjordanie]. »

Avec de tels propos, Benyamin Nétanyahou assume complètement son hypocrisie. Aucun dirigeant israélien n’a autant contribué à renforcer le Hamas que Benyamin Nétanyahou, tout comme il a laissé le Qatar le renflouer à coup de milliards de dollars. Pour lui, l’Autorité palestinienne (AP) est un frein et le Hamas un atout. Il a d’ailleurs exprimé ce sentiment à maintes reprises. En outre, le retrait d’Israël de la bande de Gaza en 2005 s’est fait de manière précipitée. Aucun dispositif de sécurité n’avait été mis au point avec l’AP. Le gouvernement d’Ariel Sharon savait parfaitement à l’époque que le Hamas était bien plus puissant que l’AP sur le plan militaire et qu’il reprendrait le contrôle de Gaza. Mais c’est la manière dont Benyamin Nétanyahou déforme la vérité qui définit son personnage ; personne ne souhaitait plus que lui diviser le Hamas et l’AP pour empêcher la création d’un État palestinien.

La guerre entre Israël et le Hamas est la preuve évidente que l’occupation n’est pas tenable, tout comme le blocus de Gaza n’est pas viable d’un point de vue logistique, car il permet au Hamas de se doter d’une formidable capacité militaire offensive sous le regard attentif d’Israël. Elle démontre aussi que les plans du Hamas pour liquider Israël ne sont ni plus ni moins que des illusions cauchemardesques au détriment du peuple palestinien.

Deuxième solution : la solution à un État
Les Palestiniens ne refuseraient pas une solution démocratique à un État si tous les citoyens – Juifs israéliens et Palestiniens – jouissaient de droits égaux devant la loi, s’ils participaient à des élections libres et justes, s’ils se portaient candidats à des élections et si le vainqueur des élections générales formait un gouvernement représentatif des votes des citoyens. Les Israéliens refusent toutefois catégoriquement ce type de solution pour des raisons de réalité démographique. Il y a près de 3 millions de Palestiniens en Cisjordanie, 2,3 millions à Gaza et environ 2 millions en Israël. Ensemble, ces Palestiniens représentent plus de 7 millions de personnes, soit à peu près l’équivalent de la population juive d’Israël.

Les Palestiniens seraient favorables à cette solution, car, dans le cadre d’élections libres et équitables, ils pourraient obtenir un vote majoritaire et potentiellement former un gouvernement dominé par les Palestiniens en Israël, si pas tout de suite, au moins dans les 3 à 5 ans à venir. Une telle perspective défierait la raison première de la création d’Israël en tant qu’État juif offrant un foyer à tout Juif qui choisit de vivre dans le pays. Aucun gouvernement israélien n’acceptera cette solution.

Troisième solution : une entité palestinienne autonome
L’échec de la solution à deux États dans le passé a incité plusieurs universitaires et représentants du monde arabe, lassés de ce conflit persistant, à réfléchir à une autre possibilité, celle d’un compromis selon lequel les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza pourraient créer leur propre entité qui bénéficierait d’un régime autonome. Cette entité comprendrait les zones A et B, 80 à 90 % de la zone C et la totalité de la bande de Gaza.1 Outre la sécurité interne, cette entité serait démilitarisée, mais assurerait la sécurité globale en totale coopération avec Israël. Cette solution mettrait un terme à l’occupation sur le plan technique.

Cette solution n’a pas la faveur des Palestiniens qui insistent sur le fait qu’ils ont le droit inaliénable de créer un État palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza, avec Jérusalem pour capitale. Inversement, Israël rappelle sans cesse qu’il ne renoncera pas au contrôle général de la sécurité, car cela mettrait en péril sa propre sécurité. Ni les Israéliens ni les Palestiniens n’envisagent sérieusement cette solution : pour Israël, cela signifie laisser les colonies dans une situation précaire en termes de sécurité, de gouvernance et de développement tandis que, pour les Palestiniens, cette solution ne débouche pas sur une souveraineté totale.

Il y a aussi la solution inimaginable et répugnante dans laquelle les extrémistes des deux camps – Juifs israéliens messianiques, d’un côté, et djihadistes palestiniens, de l’autre – cherchent à expulser ou même à liquider l’autre partie de tout territoire qu’elle occupe actuellement. Ne parlons même pas de cette solution qui ne mérite rien de plus qu’une ferme condamnation pour tout qui envisagerait cette possibilité qui s’apparente à un nettoyage ethnique et à de la folie pure et simple.

Aucune des solutions susmentionnées n’avait de chance de se concrétiser. Ce qui nous amène à la quatrième et seule solution possible.

Quatrième solution : la solution à deux États
La solution à deux États – deux États indépendants coexistant l’un à côté de l’autre, dans la paix et la sécurité et dans le respect mutuel de leur souveraineté et de leurs droits – est la seule possibilité réaliste. Compte tenu de l’évolution spectaculaire de la situation sur le terrain depuis 1967, il est indispensable de mettre en place un niveau élevé de collaboration entre les deux camps pour qu’une solution durable fondée sur la coexistence de deux États voie le jour.

Premièrement, Israéliens et Palestiniens sont dispersés en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël. On estime à 3 millions le nombre de Palestiniens et à 700 000 celui d’Israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est auxquels il faut ajouter environ 2 millions de citoyens arabes israéliens. Comme il est tout simplement impossible de déplacer une grande partie de l’une ou l’autre population ou de modifier leur composition démographique, la coexistence des Israéliens et des Palestiniens est inéluctable.

Deuxièmement, la sécurité nationale d’Israël et le sentiment d’insécurité des Palestiniens suscitent de profondes inquiétudes au sein des deux camps. Il est donc indispensable de prévoir, dans tout accord de paix, une collaboration dans le domaine de la sécurité. Même à l’heure actuelle, l’AP et Israël coopèrent déjà étroitement en matière de sécurité. Tout accord de paix doit approfondir cette entente qui existe entre les deux entités en matière de sécurité. Cette démarche permettrait de réfuter de manière catégorique ce qu’affirment un grand nombre d’Israéliens, dont Benyamin Nétanyahou, à savoir qu’un nouvel État palestinien en Cisjordanie représenterait une menace existentielle pour Israël.

Troisièmement, la solution aux principales questions conflictuelles, notamment Jérusalem, les colonies et les réfugiés palestiniens, passe par un cadre à deux États. En principe, au vu de l’affinité religieuse et historique des Israéliens et des Palestiniens pour la ville de Jérusalem, celle-ci restera unie, car aucun des deux camps ne souhaite la diviser à nouveau. Les trois blocs de colonies situés le long de la frontière de 1967, où vivent 80 % des colons, resteront en place, tandis que les nombreuses autres petites colonies seront déplacées pour permettre la création d’un État palestinien d’un seul tenant. La solution des réfugiés palestiniens consistera en une réinstallation et/ou une indemnisation. Des négociations se sont déjà déroulées de cette façon entre Israël et les Palestiniens et ont presque abouti à des accords sur ces trois points. Ces questions conflictuelles sont abordées de manière plus détaillée dans ma proposition en faveur d’une confédération entre Israël, les Palestiniens et la Jordanie, publiée dans la revue World Affairs.

Conclusion
Il faut que chaque Israélien se rende compte que, pour les Palestiniens, la création de leur propre État est la seule option qu’ils accepteront. Ils ne continueront pas à vivre en esclavage ; ils veulent être libres ; ils veulent la sécurité, des possibilités de croissance et de prospérité, et un avenir prometteur. Ils ne se plieront jamais aux règles draconiennes imposées par l’envahisseur et résisteront jusqu’à ce qu’ils se libèrent de l’occupation.

Les Palestiniens doivent aussi savoir qu’il n’y aura pas d’État palestinien indépendant à moins qu’ils acceptent de coexister avec Israël dans la paix et la sécurité. Israël a le droit inaliénable d’exister en tant qu’État juif où tous ses citoyens, indépendamment de leur origine ethnique et de leur appartenance religieuse, jouissent de droits égaux devant la loi.

Depuis le début de l’occupation israélienne en 1967, toutes les négociations de paix ont échoué, essentiellement parce que ni l’une ni l’autre des parties n’était prête à reconnaître le droit inaliénable de l’autre de vivre dans un État indépendant qui lui soit propre. Les deux camps ont raté plusieurs occasions, permettant aux extrémistes des deux côtés d’usurper le programme politique et de torpiller tous les efforts menés par les modérés/réalistes pour parvenir à un accord.

Israéliens et Palestiniens doivent se rappeler que leur coexistence est sans appel. Ils sont destinés à évoluer, à prospérer et à vivre dans la paix ensemble ou à s’entretuer au cours des 100 prochaines années. Le choix leur appartient : léguer la vie ou la mort aux générations à venir.


1. [Actuellement, la zone A, qui représente environ 18 % du territoire cisjordanien, est totalement administrée par l’Autorité palestinienne. Dans la zone B (qui représente environ 22 % de la Cisjordanie), l’Autorité palestinienne s’occupe des questions civiles et partage le contrôle de la sécurité avec Israël. La zone C qui représente 60 % du territoire de la Cisjordanie est entièrement sous contrôle israélien. Voir https://www.anera.org/what-are-area-a-area-b-and-area-c-in-the-west-bank/.]

Une version de cet article est parue pour la première fois dans CNN Arabic.

Dans mon prochain article, je traiterai des mesures logistiques, juridiques, politiques, sécuritaires et économiques qu’il convient de prendre pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien sur la base d’une solution à deux États.

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