L’érosion dangereuse du leadership mondial des États-Unis
Un an seulement après l’investiture de Donald Trump, les États-Unis ont déjà subi un revers inquiétant pour leur rôle de leaders sur la scène internationale et nui gravement à leur image. En très peu de temps, Trump est parvenu à désorienter nos amis et alliés, à attiser l’hostilité entre nous et nos ennemis, à susciter de la peur, des inquiétudes et de l’imprévisibilité, au grand désarroi de la communauté internationale. Je n’ose imagine jusqu’où encore ira le déclin de la réputation des États-Unis, car un nombre croissant de pays, y compris nos alliés, se sont résignés au manque de leadership américain sous le mandat de Trump. Cette absence de leadership aura de lourdes conséquences sur notre intérêt national et influencera le monde entier.
Le slogan de Donald Trump « l’Amérique d’abord » ainsi que ses propos imprudents et l’abandon de notre puissance douce ont profondément perturbé les pays fortement liés aux États-Unis, enragé ceux qui ont été calomniés par les discours répréhensibles du président, et ravi nos adversaires, laissant l’Amérique de plus en plus isolée.
En ce qui concerne les armes nucléaires et les missiles anti-balistiques de la Corée du Nord, au lieu de pratiquer une diplomatie discrète avec Pyongyang pour résoudre le conflit, Trump a choisi de recourir à des propos belliqueux et à des menaces qui n’ont fait qu’exacerber les tensions et rapproché les États-Unis et la Corée du Nord de l’impensable : une guerre nucléaire.
Pour ce qui est de l’accord iranien, à défaut de négocier pacifiquement d’éventuelles modifications, en particulier les dispositions de temporisation, le président américain a opté pour une « non-certification » de l’accord et menacé de reprendre les anciennes sanctions et d’en imposer de nouvelles, qui le torpilleraient complètement. Il a demandé que le Congrès modifie l’accord, bien que les cinq autres signataires refusent catégoriquement toute altération en raison du respect total et constant de l’Iran. Téhéran a rejeté toute modification et menacé de se retirer de l’accord et de reprendre son programme nucléaire, ce qui provoquerait la prolifération de ce type d’armes et exposerait les habitants de la région à vivre dans l’ombre d’une conflagration nucléaire.
En matière d’immigration, l’attitude raciste de Trump à l’égard des musulmans et des personnes de couleur a gravement terni l’image unique des États-Unis en tant que pays d’immigrants, ce qui faisait la grandeur de cette nation en premier lieu. Ses propos à l’égard de l’Afrique, d’Haïti et du Salvador, qu’il a qualifiés de « pays de merde », ont provoqué un scandale international sans précédent.
Des centaines d’ambassadeurs américains à travers le monde ont été convoqués pour expliquer l’inexplicable. Les ambassadeurs eux-mêmes n’ont pas compris ces déclarations. Pourquoi un président américain en exercice proférerait-il de telles horreurs, à la Maison-Blanche qui plus est ? L’ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney a bien résumé les choses en déclarant : « Ce qu’il [Trump] a déclaré a entraîné un ravissement des racistes, les larmes des minorités et le deuil du grand cœur de l’Amérique ».
Quant aux traités et accords internationaux, Trump a complètement ignoré notre engagement de les respecter. Il insiste pour renégocier les dispositions de l’ALENA et a tourné le dos au partenariat transpacifique (qui reliait les États-Unis à l’Asie et à l’Australie). Il a décidé de retirer les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat ainsi que de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), accusant cette dernière d’avoir des préjugés anti-israéliens.
Il a de ce fait sévèrement endommagé la crédibilité des États-Unis, rendant ainsi de nombreux pays peu enclins à conclure des accords bilatéraux avec notre pays. En effet, ceux-ci ne font plus confiance à son administration pour respecter ses engagements. Cette situation laisse la porte grande ouverte à nos adversaires pour remplir le vide qu’il a créé.
Trump a par ailleurs choqué les démocraties du monde entier en attaquant sans cesse la presse. Même si certains de ses prédécesseurs ont exclu la presse à l’une ou l’autre occasion, aucun n’a formulé de critiques aussi infâmes. Il accuse tous les médias (hormis FOX News) d’être des ennemis du peuple ; il prétend qu’ils ont des partis pris et qu’ils relayent de fausses informations (« Fake News ») pour le salir délibérément et tourner ses initiatives politiques en dérision.
Les États-Unis étaient considérés comme un modèle de liberté et de démocratie à imiter, mais Trump ébranle sciemment l’un de nos principaux piliers constitutionnels – la presse libre – à la consternation totale des démocraties du monde entier.
Pour ce qui est de la fiabilité des États-Unis, bon nombre de pays qui dépendent de l’Amérique en matière de sécurité nationale s’inquiètent désormais de l’engagement réel de Trump à l’égard de leur sécurité. Ses critiques vis-à-vis de l’OTAN, qui est au cœur de la sécurité de l’Europe occidentale, et la conciliation dont il fait preuve envers la Russie, pourtant considérée comme l’ennemi juré de l’Occident, soulèvent des questions sur la position qu’il prendrait si ces pays étaient menacés.
Nos alliés du Moyen-Orient et de l’Europe partagent cette inquiétude, ce qui affaiblit encore davantage le rôle des États-Unis. La chancelière allemande Angela Merkel a exprimé des doutes, en tenant ces propos : « Les temps où nous pouvions totalement nous reposer sur d’autres sont en partie révolus… Nous, les Européens, nous devons vraiment prendre en main notre propre destin… Nous devons le savoir : nous devons lutter nous-mêmes, en tant qu’Européens, pour notre avenir et notre destin. »
Le fait que Donald Trump ment comme il respire inquiète profondément les différents pays du monde, car ils ne peuvent plus le croire sur parole en ce qui concerne des questions d’importance majeure pour eux.
Trump semble totalement inconscient de la réalité : sans le leadership mondial américain, qui dure depuis plus de soixante-dix ans, le monde sera encore plus chaotique qu’il ne l’est déjà. Donald Trump n’a aucune stratégie définitive en ce qui concerne la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan et il n’a ni la volonté ni l’intérêt d’endiguer les conflits violents généralisés et déstabilisants ainsi que les violations des droits de l’Homme commises à travers le monde.
Il est triste de voir que dans le dernier sondage réalisé par Gallup sur les dirigeants du monde, les États-Unis occupent la troisième place derrière l’Allemagne et la Chine (et juste avant la Russie). Les dommages que Trump a causés à la crédibilité des États-Unis et à leur autorité morale à l’échelle mondiale ne seront pas facilement réparés après l’élection d’un nouveau président. Il faudra du temps ainsi qu’un président stable, compétent sur le plan intellectuel et politique, et doté d’une vision et d’une compréhension du rôle central des États-Unis sur la scène internationale avant que le leadership mondial de l’Amérique puisse être rétabli.
Le parti républicain s’est rendu complice des bêtises et des politiques malavisées de Donald Trump. Il appartient maintenant aux démocrates d’accorder leurs violons, de reprendre le contrôle de la Chambre et du Sénat, et de s’opposer à Trump avant qu’il ne provoque des dommages irréversibles au rôle et à la responsabilité des États-Unis dans le monde.