Aucun état Palestinien ne verra le jour tant que Nétanyahou sera au pouvoir
Le président Donald Trump ne devrait pas se laisser influencer par l’argument hypocrite de Benyamin Nétanyahou, aussi convaincant soit-il. Ce dernier affirme en effet prôner une solution à deux États alors qu’en réalité, il y est opposé, tout comme il n’aura de cesse de rejeter par principe la création d’un État palestinien indépendant.
Nétnayahou a déclaré à maintes reprises qu’il était prêt à négocier avec les Palestiniens de manière inconditionnelle. Mais ses déclarations sonnent creux, car il sait que le président Abbas n’entamera aucune négociation tant qu’Israël n’aura pas suspendu l’expansion continue de ses colonies et l’annexion insidieuses des territoires palestiniens, qui empêchent les Palestiniens d’établir un État viable.
Rien de plus facile que de démontrer le manque d’engagement du Premier ministre israélien : il suffit d’observer ses actions dans les territoires occupés et d’écouter ses discours publics qui contredisent directement sa volonté présumée de négocier la fin du conflit. Les objections de Nétanyahou en paroles et en actes à la création de l’État palestinien se manifestent indéniablement dans les situations suivantes :
Premièrement, l’insistance de Nétanyahou à se déclarer disposé à entamer des négociations sans conditions préalables est en soi une condition sine qua non. Supposons que le président Mahmoud Abbas accepte d’entamer le dialogue sur cette base, il est tout simplement impossible d’échapper à cette obligation qui veut qu’Israéliens et Palestiniens conviennent en premier lieu des règles d’engagement, notamment du lieu de rencontre, de la composition des équipes de négociation, de leur mandat, etc. Mais surtout, ils doivent s’entendre et déterminer lequel des principaux enjeux conflictuels aborder en priorité, afin de faciliter les négociations sur d’autres questions cruciales.
Nétanyahou a toujours refusé d’entamer les pourparlers en satisfaisant tout d’abord à la requête des Palestiniens de tracer les contours de leur futur État. Il ne cesse de répéter qu’Israël doit négocier avant tout le mécanisme qui garantira sa sécurité nationale. Et pourtant, il serait plus raisonnable et plus pratique de commencer par discuter des frontières, puisque Benyamin Nétanyahou a toujours cherché à établir des « frontières sûres ».
Cette solution délimiterait non seulement ce qui constitue (d’après lui) des frontières sûres, mais elle permettrait également de répondre aux exigences des Palestiniens et de leur donner l’assurance de la création d’un futur État. L’avenir de nombreuses colonies pourrait être réglé par la même occasion. Les négociations antérieures ont clairement démontré que la détermination de Nétanyahou à entamer le dialogue sur la sécurité nationale en premier lieu n’est rien d’autre qu’une manœuvre destinée à gagner du temps.
Deuxièmement, Benyamin Nétanyahou préside un gouvernement de coalition qui comprend, outre son propre parti de centre droit Likoud, deux autres partis d’extrême droite, Israël Beiteinou et Foyer juif, dirigés respectivement par le ministre de la Défense Avigdor Lieberman et le ministre de l’Éducation Naftali Bennett, tous deux attachés et soumis au mouvement des colons. Bennett, en particulier, appelle ouvertement à l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie, surtout la zone C qui représente 61 % des territoires palestiniens.
Si Nétanyahou décidait de s’engager sérieusement dans des négociations en faveur d’une solution à deux États, cette initiative fragiliserait immédiatement sa coalition, puisque ces deux partis (ainsi que plusieurs membres de son propre parti Likoud) ont menacé de quitter le gouvernement s’il venait à franchir ce pas. Dès lors, tant que la composition actuelle de la majorité en place sera maintenue, il n’est pas question de conclure un accord de paix qui accorderait aux Palestiniens la création de leur propre État.
Dans le sillage de sa campagne électorale en 2015, en vue d’une réélection, Nétanyahou a déclaré : « Je pense que ceux qui tentent de créer un État palestinien de nos jours, et d’évacuer certaines zones, offrent à l’islam radical une région à partir de laquelle il pourra attaquer l’État israélien. La gauche enfouit, encore et toujours, sa tête dans le sable et ignore ce phénomène… ». Et lorsqu’on lui a demandé si un État palestinien serait créé sous son mandat, le Premier ministre a répondu « Absolument pas ». Ses promesses d’hier sont toujours d’actualité ; s’il affirme le contraire, ce n’est que de la poudre aux yeux.
Troisièmement, l’expansion toujours aussi intense des colonies existantes et l’adoption récente de la loi qui autorise le gouvernement à légaliser rétroactivement des centaines de colonies clandestines indiquent clairement qu’il n’a nullement l’intention de permettre aux Palestiniens d’établir leur propre État. Cette annexion systématique des territoires palestiniens les met dans l’impossibilité de maintenir une contiguïté géographique. Le fait d’affirmer, comme il le prétend, que les colonies ne constituent pas un obstacle à la paix est, au mieux, hypocrite, et il en est conscient. Sous la gouverne de Nétanyahou, le gouvernement a construit un vaste réseau de routes quadrillant la Cisjordanie, exclusivement destiné aux colons, confinant ainsi les Palestiniens dans des cantons, et avec l’intention de pérenniser ce statu quo.
Quatrièmement, Benyamin Nétanyahou a pour objectif d’installer un million d’Israéliens dans toute la Cisjordanie et de modifier, de manière irréversible, la situation sur le terrain. Actuellement, près de 650 000 colons vivent en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Il est donc tout simplement impossible d’évacuer un nombre important de colons. Benyamin Nétanyahou a bien appris les leçons inculquées par son père, Benzion Nétanyahou, fervent révisionniste sioniste : l’entièreté de la « terre biblique d’Israël » appartient aux Juifs à tout jamais. Dans une interview donnée en 2009, Benzion a déclaré : « La solution à deux États n’existe pas… Le peuple palestinien n’existe pas. Il est donc inutile de créer un État pour une nation imaginaire. » Benyamin Nétanyahou n’oublie pas cette leçon.
Évidemment, dès que la Cour suprême ordonne la démolition de certaines colonies illégales bâties sur des terres privées palestinienne, comme le récent démantèlement d’Amona qui comptait environ 250 colons, Nétanyahou annonce immédiatement ses projets de construire de nouvelles unités. Il est déterminé à ce que le nombre de colons continue de croître et atteigne la barre du million, qu’importent les décisions des tribunaux israéliens ou les exigences de la communauté internationale, même venant de ses alliés les plus proches, les États-Unis.
Cinquièmement, si Nétanyahou décidait vraiment de mettre un terme au conflit israélo-palestinien sur la base d’une solution à deux États, il pourrait dissoudre son gouvernement actuel et établir une nouvelle coalition avec plusieurs partis centristes et de centre gauche, notamment l’Union sioniste, Yesh Atid, Koulanou, Meretz, et le parti Likoud, ce qui lui permettrait d’obtenir une majorité décisive de 80 sièges sur 120 au parlement, par rapport à la coalition actuelle composée du Likoud, de Koulanou, de Shas, du Foyer juif, d’Israël Beiteinou et du parti Judaïsme unifié de la Torah, qui lui offre une petite majorité de 67 sièges sur 120. Même si certains membres de son parti décident de le quitter, il aura tout de même une majorité importante à l’image de l’aspiration des Israéliens qui souhaitent mettre fin à ce conflit. Il convient de noter qu’avec un nouveau gouvernement, les 13 membres de la Liste arabe soutiendraient toute initiative en faveur d’une solution à deux États.
Une telle coalition pourrait sans aucun doute parvenir à un accord de paix équitable avec les Palestiniens, ce qui supposerait quelques échanges de terres, seulement selon le bon vouloir de Nétanyahou. Hélas, ce dernier n’acceptera tout simplement pas un tel accord de paix, parce qu’il est déterminé, sur le plan idéologique, à contrôler à tout jamais tout ce qu’il désigne sous le nom de « terre d’Israël », tout en accusant les Palestiniens de vouloir détruire Israël plutôt que de faire la paix.
À l’évidence, Benyamin Nétanyahou n’est pas et n’a jamais été partisan de la création d’un État palestinien. Dès lors, le président Trump serait bien inspiré de ne pas entamer de discussion futile avec lui lors de sa visite à la Maison-Blanche, en vue de trouver un accord fondé sur une solution à deux États. Cette solution ne peut et ne se produira pas tant que Nétanyahou restera au pouvoir.
Si Trump envisage sérieusement de mettre un terme au conflit israélo-palestinien, dans l’intérêt d’Israël, il doit exiger de Nétanyahou qu’il s’engage à créer un État palestinien. Les paroles ne suffisent plus, ce dernier doit prendre des mesures concrètes pour former un nouveau gouvernement constitué de partis du centre, de la gauche et de son propre parti, procéder à de nouvelles élections ou démissionner.