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août 25, 2017

Gaza : la genèse d’un désastre

Voilà maintenant dix ans que le Hamas a vaincu l’Autorité palestinienne à Gaza et a pris le contrôle du territoire. À l’heure actuelle, les conditions socioéconomiques sont telles que si aucune mesure n’est prise sur le champ, toute la région risque d’exploser au visage du Hamas, d’Israël et de la communauté internationale. Le jour où cela se produira, vous pourrez compter sur les dirigeants israéliens et du Hamas pour s’accuser les uns les autres d’avoir laissé la situation se détériorer à ce point. Les deux camps se rendent coupables d’une trahison monstrueuse à l’égard de leur propre peuple. Peu importe combien de temps encore persistera ce conflit, ils demeureront pris au piège d’une situation qu’aucun d’eux ne pourra plus désamorcer sous risque de tout faire exploser.

Reste à savoir quand ils reviendront à la raison et trouveront un moyen de coexister en paix, sachant que la seule alternative est de poursuivre ces affrontements violents. Entre-temps, des milliers de personnes perdront la vie de part et d’autre, le chaos et la folie règneront tandis que les Palestiniens paieront le plus lourd tribut, surtout à Gaza. « Nous devons apprendre à considérer les personnes moins à la lumière de ce qu’ils font ou omettent de faire et bien plus encore à la lumière de ce qu’ils souffrent », a déclaré le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer.

Les habitants de la bande de Gaza vivent dans une situation épouvantable. Ils souffrent du manque de nourriture, de médicaments, d’eau potable et d’électricité. Les infrastructures tombent en ruines et des centaines de milliers de personnes se retrouvent dans des conditions sordides. La pénurie de logements ne cesse de s’aggraver : il en manquait 71 000 en 2012 ; il en manque désormais 120 000. Plus de 1,2 million de personnes ont désespérément besoin d’une aide humanitaire, des dizaines de milliers vivent dans la pauvreté la plus totale, exposées aux maladies et à la malnutrition. 75 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du territoire, et le taux de chômage s’élève actuellement à 42 % (jusqu’à 60 % chez les jeunes), sans aucun espoir à l’horizon.

Le problème est que l’État d’Israël et le Hamas font preuve d’abnégation, comme s’ils pouvaient faire disparaître l’autre camp par la simple pensée. Ils sont tous deux coupables de faire de la politique aux dépens des Israéliens et des Palestiniens, refusant d’assumer leur part de responsabilité.

Ils se plaisent à montrer du doigt le comportement outrageant de l’autre et sont devenus les esclaves de leurs propres discours hargneux, vieux et fatigués, ne laissant guère de place pour une réconciliation.

Le Hamas demeure persuadé qu’Israël est le principal responsable du calvaire que subissent les Palestiniens depuis plusieurs décennies : il dénonce l’inhumanité du blocus ainsi que les lourdes restrictions imposées aux marchandises exportées depuis Gaza et importées sur le territoire, sans oublier les services de sécurité israéliens étouffants qui ont complètement isolé la bande de Gaza, la coupant des transports aériens, maritimes et terrestres et empêchant ainsi l’accès aux marchés extérieurs. Le Hamas exige la levée inconditionnelle du blocus, mais il n’offre rien d’autre en échange sinon de la haine et de la rancœur, tout en menaçant en permanence la sécurité de la région.

Les dirigeants du Hamas oublient un peu trop facilement qu’ils sont à l’origine d’une grande partie de leurs maux. Au lieu de bâtir des écoles, des hôpitaux et des logements, et de remettre en état l’infrastructure délabrée du territoire (surtout après la dernière guerre avec Israël en 2014), le Hamas continue d’adopter une attitude belliqueuse vis-à-vis d’Israël, le menaçant dans son existence même. L’organisation islamique a dépensé des centaines de millions de dollars dans la construction de nouveaux tunnels pour attaquer Israël, dans l’achat et la fabrication de nouvelles armes et dans le stockage de dizaines de milliers de rockettes prêtes à s’abattre sur l’État hébreu.

Dans sa nouvelle charte, le Hamas évoque la création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. Il affirme pourtant qu’« un véritable État palestinien est un État qui a été libéré. Il n’y a pas d’alternative à un État palestinien totalement souverain sur l’ensemble du territoire national et du sol palestinien, avec Jérusalem comme capitale » (non souligné dans le texte original).

Le Hamas n’a-t-il jamais songé au fait qu’il ne pourrait pas, ni maintenant ni jamais, vaincre Israël sur le plan militaire pour atteindre son objectif illusoire ? Et que s’il présente un jour une véritable menace existentielle pour Israël, il sera le premier à être anéanti ? En toute logique, si le Hamas désire la levée du blocus, il doit renoncer à la violence, reconnaître la réalité absolue de l’État d’Israël, et arrêter de revendiquer le droit des Palestiniens à la totalité du territoire sous mandat.

Même les membres les plus modérés du Hamas ne devraient pas supposer qu’Israël mettra simplement fin au blocus, à moins que sa sécurité ne soit assurée de manière permanente et absolue. Le Hamas doit ravaler sa fierté sans tarder et reconnaître que la stratégie consistant à recourir, ou à menacer de recourir, à la violence contre Israël a échoué et qu’elle ne renforce que davantage la position de l’État juif.

Cependant, quiconque impute l’unique responsabilité du conflit au Hamas se trompe royalement. Israël continue de jouer son rôle dans l’épopée tragique qui se déroule actuellement à Gaza. Le gouvernement israélien ne cesse de répéter que le Hamas ne connaîtra jamais de rédemption. Mais c’est là une idée totalement fausse. Les autorités israéliennes justifient le blocus en insistant sur le fait que le retrait unilatéral des forces israéliennes de Gaza a permis au Hamas de transformer ce territoire en base de lancement pour tirer ses rockettes.

Feu l’ancien Premier ministre Ariel Sharon a commis une erreur fondamentale en retirant les troupes de Gaza sans aucune coordination avec l’Autorité palestinienne (AP) pour assurer la sécurité du territoire. Ariel Sharon et son cabinet savaient très bien que le Hamas était plus fort, mieux organisé et mieux équipé militairement que l’AP. Il était évident pour tous que le Hamas pourrait prendre le contrôle de Gaza par la force.

Certes, il était nécessaire d’imposer un blocus pour enrayer la contrebande d’armes et d’explosifs sur le territoire, mais Benyamin Nétanyahou n’a fait aucun effort pour rendre moins hostiles les relations israéliennes avec le Hamas. Au contraire, il a entretenu une relation tendue et conflictuelle avec ce dernier pour mieux servir ses intérêts politiques et rester au pouvoir.

Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou se sert en outre du retrait unilatéral d’Israël de la bande de Gaza et du risque sécuritaire qu’il représente pour justifier l’occupation continue des territoires palestiniens et renforcer son emprise sur la Cisjordanie (semble-t-il pour des raisons sécuritaires) par l’intermédiaire des colonies, tout en montant l’AP et le Hamas l’un contre l’autre.

Le Premier ministre israélien reproche, en parfait hypocrite, au Hamas de chercher à établir un État palestinien sur la totalité du territoire, alors qu’il revendique le droit biblique des juifs sur toute la « terre d’Israël », en ce compris la Cisjordanie, dont plusieurs ministres israéliens demandent ouvertement l’annexion.

Quand Benyamin Nétanyahou acceptera-t-il le fait que le Hamas n’ira nulle part et que la situation actuelle est tout simplement insoutenable ? Évidemment, Israël peut envahir une nouvelle fois Gaza et détruire les dirigeants du Hamas, tout en infligeant une destruction massive, comme il l’a déjà fait par trois fois. Fort bien, mais après ? De nouveaux dirigeants encore plus extrémistes verront très vite le jour. Rien d’autre ne changera fondamentalement. Ce cercle vicieux de violence se poursuivra et personne n’en sortira indemne.

Les deux camps doivent voir la réalité en face. C’est la décision la plus logique et la plus pratique à prendre. Hélas, la logique et le réalisme cèdent souvent le pas aux émotions déplacées, aux idéologies malavisées et aux croyances aveugles. Regardez plutôt où ces nobles principes les ont conduits : l’enfer se cache dans leur ignorance.

La majorité des Israéliens et des Palestiniens veulent vivre en paix. Il est inutile qu’un autre enfant perde la vie à cause de ces dirigeants malavisés qui sont passés maîtres dans l’art de défier le temps et les circonstances au détriment de leur peuple, alors que la solution est à leur portée.

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