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mars 21, 2017

Israël est-il capable de mener une guerre sur trois fronts? Un scénario cauchemardesque

Bien que le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou soit connu pour avoir tendance à focaliser son attention sur les menaces palestiniennes et iraniennes quand la sécurité nationale de son pays est en jeu, force est de constater que ces derniers mois il a davantage tiré la sonnette d’alarme lorsqu’il s’agissait de l’Iran plutôt que des Palestiniens. Alors que la défaite de l’État islamique en Irak et en Syrie semble inévitable, Nétanyahou craint désormais que l’Iran n’insiste pour maintenir sa position en Syrie en y établissant une importante présence militaire en contrepartie du soutien qu’il apporté au régime d’Assad tout au long de la guerre civile. Une réaction qui ne devrait évidemment surprendre ni Nétanyahou ni ceux qui connaissent les ambitions hégémoniques de l’Iran sur la région, ce dernier considérant la Syrie comme le levier indispensable pour préserver son influence du Golfe à la Méditerranée.

Nétanyahou commet pourtant une grave erreur en mettant ainsi de côté le conflit israélo-palestinien. En raison de la menace iranienne grandissante, il devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour négocier un accord de paix avec les Palestiniens, dans le contexte actuel d’une paix globale israélo-arabe. S’il agit de la sorte, non seulement Nétanyahou parviendra à neutraliser la menace palestinienne, mais il atténuera également celle venue de l’Iran, du moins dans une certaine mesure. Autrement, il ne fera que jouer le jeu de l’État iranien.

Les interventions de l’Iran en Syrie ne datent pas d’hier : elles remontent à plusieurs décennies avant le début de la guerre civile. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la détermination de Téhéran à vouloir établir un troisième front en Syrie contre Israël, en plus de celui du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban.

Le haut commandement militaire israélien est particulièrement préoccupé par la possibilité que, dès que les hostilités auront éclaté entre Israël et le Hamas, le Hezbollah joigne ses forces à celles du Hamas (et vice versa), et que l’Iran décide de rejoindre leur incursion ou d’engager le combat en premier, forçant ainsi Israël à mener le combat sur trois fronts. Une situation qui offrirait une occasion aux Palestiniens de Cisjordanie de se soulever contre l’occupation israélienne.

Dans son discours prononcé au ministère des Affaires étrangères, à l’occasion de la commémoration des Israéliens tués lors du bombardement en 1992 de l’ambassade en Argentine (dans lequel l’implication de l’Iran a été reconnue), Nétanyahou a affirmé : « Le régime de Téhéran n’aspire qu’à une seule chose : planter son drapeau sur les ruines du monde libre. Il menace toujours Israël de le rayer de la carte du monde. »

Même si Nétanyahou est conscient qu’il ne pourra pas persuader l’administration Trump de démanteler l’accord nucléaire iranien, il cherche à s’assurer que Washington restera attentif au comportement déstabilisant et malveillant de l’Iran dans la région et que les États-Unis continueront d’inciter l’Iran à honorer ses engagements : respecter pleinement l’accord établi.

En outre, Nétanyahou veut s’assurer que Washington comprend bien les dangers qu’implique la présence militaire iranienne en Syrie, et surtout la création d’une base à proximité de la ville de Quneitra, à quelques kilomètres seulement de la frontière du Golan. Pour ce faire, il s’est également entretenu avec le président russe Vladimir Poutine, déclarant sans ambages qu’Israël ne tolérerait pas cette situation une fois l’État islamique vaincu.

Il convient de préciser que, même si la défaite de l’État islamique est désormais inexorable, il faudrait encore, tous calculs militaires confondus, six mois au moins pour provoquer sa chute. Pendant ce temps, l’Iran en profite pour consolider systématiquement sa présence sur le territoire syrien, en gonflant ses équipements militaires, et sa réserve de rockettes (de courte et de moyenne portée), sans qu’Assad ne lève la moindre objection. Ce dernier considère que la présence continue de l’Iran lui sera décisive pour son maintien au pouvoir au cours des prochaines années.

Moscou et Washington ne soutiennent peut-être pas la position de Nétanyahou, mais ils ne peuvent pas faire grand-chose tant que la guerre contre l’État islamique se poursuit et que l’Iran collabore. Par ailleurs, Téhéran continue de faire transférer toute une série d’armes au Hezbollah, notamment des rockettes. Bien qu’Israël mette tout en œuvre pour intercepter et détruire un maximum de ces cargaisons d’armes, d’importantes quantités parviennent quand même au Liban.

Selon les estimations actuelles, le Hamas et le Hezbollah disposeraient d’environ 200 000 rockettes (de courte et de moyenne portée) ; bon nombre de ces engins peuvent atteindre n’importe quelle cible en Israël, de Metoula au nord à la ville d’Eilat à l’extrême sud de l’État d’Israël. Ensemble, ils pourraient faire pleuvoir un millier de rockettes chaque jour pendant près de sept mois.

Compte tenu de l’escalade des tensions entre Israël et le Hamas d’un côté, et le Hezbollah de l’autre, une reprise importante des hostilités ne peut être exclue. Les forces de défense israéliennes ne perdent pas de vue cette possibilité, mais elles savent aussi que peu importe la manière et le moment où cet embrasement pourrait avoir lieu, elles devraient faire face à un scénario cauchemardesque.

Même si le système israélien de défense aérienne fait partie des plus sophistiqués au monde, Israël serait incapable d’intercepter toutes les rockettes. Sur le millier de rockettes que le Hamas et le Hezbollah sont capables de tirer tous les jours, quelques dizaines risqueraient d’atterrir sur de nombreux centres urbains, faisant des centaines de victimes et des dégâts structurels considérables, en particulier dans les zones où les abris sont limités, voire inexistants.

Les commerces et entreprises devraient cesser toute activité pendant des semaines, les réserves de nourriture et de médicaments deviendraient de plus en plus rares, les écoles fermeraient leurs portes et les hôpitaux finiraient par être débordés. L’armée serait en outre dépassée, surtout si Israël décidait d’envahir Gaza et le Liban tout en bombardant les installations iraniennes en Syrie et en neutralisant le soulèvement palestinien, sans oublier de protéger les colons de Cisjordanie.

Pour éviter un tel scénario catastrophe, le gouvernement israélien pourrait penser qu’il est tout à fait justifié de bombarder les trois fronts. Mais comme la plupart des rockettes du Hezbollah et du Hamas se trouvent au sein des communautés civiles, cette décision ferait des dizaines de milliers de victimes. En outre, des attaques des forces iraniennes en Syrie sur Israël pourraient conduire les Israéliens à bombarder des cibles en Iran, en particulier les installations nucléaires du pays.

Il est difficile de prédire quelle serait la réaction du monde arabe, de l’Europe, des États-Unis et de Moscou. Mais une chose est sûre : la majeure partie du Moyen-Orient serait à feu et à sang et il serait bien difficile d’imaginer l’ampleur des conséquences.

Certes, Israël remportera la guerre sur le plan technique, mais il s’agirait de la victoire la plus dévastatrice des annales militaires des temps modernes.

Ce scénario peut paraître invraisemblable, mais sa probabilité augmente de jour en jour. Si Nétanyahou est véritablement inquiet, comme il le prétend, que l’Iran établisse une base militaire permanente en Syrie depuis laquelle il pourrait gravement menacer la sécurité nationale d’Israël, il ne peut pas exclure ce scénario terrifiant.

Tout repose désormais sur son action ou son inaction dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Je soutiens qu’il n’y a pas de meilleur moment pour étudier très attentivement la solution à deux États, précédée d’un processus de réconciliation, dans le contexte d’une paix globale israélo-arabe, d’autant plus que les États arabes partagent les inquiétudes de Nétanyahou au sujet de la menace iranienne.

Plus que jamais, les États arabes, dirigés par l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Maroc et le Qatar, peuvent influencer considérablement l’Autorité palestinienne et le Hamas afin qu’ils entament des négociations sérieuses, pour autant qu’Israël montre une réelle volonté de conclure une paix véritable.

Nétanyahou et ses ministres récalcitrants peuvent prouver leur détermination, premièrement, en annonçant qu’Israël n’a plus l’intention d’annexer de nouveaux territoires palestiniens et, deuxièmement, en décrétant un moratoire sur l’expansion des colonies pendant au moins un an.

Si les partenaires de la coalition de Nétanyahou contestent cette initiative, ce dernier devrait avoir le courage de les licencier et de créer un nouveau gouvernement avec des partis du centre et de la gauche en faveur d’une paix négociée avec les Palestiniens.

Nétanyahou a exprimé le désir de concrétiser l’idée d’un État palestinien, mais le cœur n’y était pas. Mais si l’existence même d’Israël est en jeu à cause de la menace iranienne, comme il l’affirme constamment, il a la capacité nécessaire et l’appui du public pour réaliser cet objectif. Benyamin Nétanyahou doit saisir cet instant propice pour instaurer la paix et contribuer à un avenir plus prometteur et plus sûr auquel les juifs d’Israël et du monde entier aspirent.

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