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avril 20, 2020

La guerre au Yémen : un crime contre l’humanité et l’islam

La guerre par procuration à laquelle l’Arabie saoudite et l’Iran se livrent sur le territoire yéménite depuis ces cinq dernières années dépasse l’entendement. Elle va au-delà de la brutalité et de la cruauté sans bornes dont les êtres humains sont capables et elle est contraire à l’esprit et à la lettre du Coran. Ironiquement, l’Arabie saoudite a de nombreuses raisons de mettre un terme à cette guerre – des raisons qui l’ont d’ailleurs poussée à déclarer un cessez-le-feu unilatéral –, mais l’interdiction par l’islam de tuer des innocents n’en a jamais fait partie. Les Saoudiens ont poursuivi leur guerre sans merci contre les Houthis, soutenus par l’Iran, laissant le Yémen en ruines et infligeant une douleur et des souffrances inconcevables à des millions d’hommes, de femmes et d’enfants innocents. En s’abaissant à ce niveau de brutalité, l’Arabie saoudite, qui est pourtant l’épicentre du monde musulman sunnite, enfreint gravement les règles de l’islam et commet des crimes contre l’humanité.

Jusqu’à présent, la guerre au Yémen a fait plus de 100 000 morts ; sur une population totale de 30 millions d’habitants, 20 millions ont désespérément besoin de nourriture, de médicaments et d’un approvisionnement continu en eau potable, en raison des quelque 6 000 frappes aériennes de la coalition qui ont endommagé les infrastructures civiles du pays. Plus de deux millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë ; la moitié d’entre eux ont contracté le choléra et nombreux sont ceux qui périront, car les chances de recevoir un traitement médical sont pratiquement nulles.

La question est de savoir pourquoi un pays si profondément religieux et extrêmement fier d’être le berceau de l’islam, un pays qui applique la charia et qui joue un rôle de premier plan dans le monde musulman sunnite, a attendu cinq ans avant de déclarer un cessez-le-feu en vue de mettre fin à la pire crise humanitaire au monde depuis la Seconde Guerre mondiale.

Il est malheureusement évident que les Saoudiens se préoccupent de tout, sauf des enseignements du Coran. Cela concerne notamment : a) les capacités militaires limitées de l’Arabie saoudite ; b) les tensions intenses que la guerre exerce sur l’économie ; c) le manque croissant de ressources financières résultant de l’effondrement du prix du pétrole, qui empêche l’économie de se diversifier ; d) les avancées importantes des Houthis dans des provinces essentielles du centre du Yémen ; e) la censure internationale de plus en plus forte contre les Saoudiens ; et, pour finir, f) la prise de conscience du fait qu’il s’agit d’une guerre dont personne ne sortira gagnant et que la sécurisation de la frontière ainsi que l’éloignement des Houthis de l’Iran sont devenus prioritaires. Les enseignements et les obligations morales de l’islam ne font tout simplement pas partie de l’équation.

Selon la sourate 4, verset 93, du Coran, « […] quiconque tue un croyant intentionnellement, sa rétribution sera la Géhenne, où il sera éternel. Dieu l’a en grande colère, le maudit et lui ménage un châtiment terrible ». En ignorant ce principe fondamental du Coran, les Saoudiens se rendent non seulement coupables de blasphème, mais ils défient aussi ouvertement la religion elle-même, une religion qu’ils ne respectent clairement pas et dont ils se servent pour dissimuler leurs crimes contre l’humanité.

Au lieu de prendre l’initiative en calmant les guerres civiles qui se déroulent dans des pays à majorité musulmane (notamment l’Afghanistan, la Turquie, la Somalie, le Soudan, le Pakistan, la Syrie, la Libye et le Yémen, qui représentent 61 % de l’ensemble des guerres civiles qui font actuellement rage dans le monde entier) et en mettant fin au massacre des musulmans par les musulmans, l’Arabie saoudite a mené l’offensive. Elle se livre gratuitement à une guerre sans merci et sans relâche, avec le concours des États-Unis et de la Grande-Bretagne, qui lui fournissent notamment les engins lui permettant de massacrer des dizaines de milliers de civils yéménites.

En outre, au lieu de faciliter l’acheminement de nourriture et de médicaments à la multitude de Yéménites éprouvés qui sont sur le point de mourir de faim et de maladie, les Saoudiens ont enfreint une autre instruction coranique, qui est d’aider ceux qui sont dans le besoin (sourate 9, verset 60, « […] aux pauvres et aux nécessiteux »). Selon la sourate 41, verset 7, du Coran, « et malheur aux associateurs qui n’acquittent pas la Zakat et ne croient pas en l’au-delà ».

Le Yémen, qui subit déjà la pire catastrophe au monde pour l’humanité, vient d’enregistrer son premier cas confirmé de coronavirus. L’organisation « Save the Children » explique que ce pays ne dispose que d’environ 700 lits réservés aux soins intensifs, dont 60 pour les enfants, et de seulement 500 ventilateurs pour une population comptant 30 millions d’habitants. Après cinq années de guerre dévastatrice, le Yémen sera très certainement incapable de faire face à la propagation du virus. Les conséquences seraient assurément catastrophiques.

Pour les Saoudiens, en revanche, la pandémie de Covid-19 est un mal pour un bien : elle a donné au gouvernement l’excuse de déclarer un cessez-le-feu unilatéral et de créer une situation dans laquelle toutes les parties au conflit, y compris les Houthis, qui ont élaboré leur propre plan de paix, pourraient convenir d’un cessez-le-feu, sans perdre la face. Les Saoudiens se sont vivement alarmés de l’éventuelle propagation du virus au Yémen, avec lequel ils partagent une frontière d’environ 1700 kilomètres de long. Plusieurs millions de Yéménites vivent dans des régions surpeuplées et dépourvues de toute hygiène, ce qui peut contaminer des centaines de milliers de personnes en Arabie saoudite – déjà submergée par le virus. La conclusion d’un accord de paix avec les Houthis est la seule solution viable pour épargner des vies et des ressources en Arabie saoudite.

Maintenant qu’il a décidé d’un cessez-le-feu, le Royaume d’Arabie saoudite doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre définitivement fin à cette guerre. Il doit tout d’abord prolonger le cessez-le-feu au-delà des deux semaines initialement prévues, puis renégocier avec les Houthis en toute honnêteté afin de parvenir à un accord de paix que toutes les parties au conflit accepteront, y compris l’Iran (désireux de réduire ses pertes).

Il est temps pour l’Arabie saoudite, grande gardienne de l’islam sunnite, de cesser de tourner en dérision la religion de l’État, qui porte en son cœur l’humanité, la compassion et la bienveillance, et de respecter les valeurs morales qui constituent les principes fondamentaux de l’islam.

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