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juillet 24, 2018

L’avenir de l’UE au lendemain de la trahison de Donald Trump

Je me suis rendu à Bruxelles la semaine dernière pendant la conférence annuelle de l’OTAN, mais cette visite n’a été ni plus ni moins qu’une expérience déroutante et consternante. Les frasques de Donald Trump à l’égard de nos alliés les plus fidèles et les plus dignes de confiance ont fait trembler toute la ville, en particulier les couloirs du Parlement européen où j’ai passé pas mal de temps à discuter avec des représentants de différents pays. Ils ont été choqués, comme à peu près toutes les personnes avec qui j’ai parlé, de voir et d’entendre le président des États-Unis d’Amérique réprimander ses plus proches alliés, notamment la chancelière allemande Angela Merkel et la Première ministre britannique Theresa May. Donald Trump a traité ces dirigeants comme s’ils étaient de simples débutants ayant manqué à leurs obligations financières tout en récoltant une grande partie des bénéfices. La rage qu’il a manifestée à leur égard était affligeante. Il a fait preuve d’un manque total de décence, pour ne pas dire une franche hostilité.

Ces pays sont pourtant nos alliés depuis 70 ans. Ils nous ont soutenus contre vents et marées, ne fléchissant jamais et faisant preuve d’une loyauté totale envers nous. Ils ont accepté de bon cœur le leadership américain et ont toujours été fiers de cette alliance qui promeut la paix et la stabilité tout en protégeant les principes de base de la démocratie.

Unis dans leur détermination et dans leur engagement inébranlable, les alliés ont entraîné la chute de l’Union soviétique, marquant le début d’une ère de croissance économique et de prospérité sans précédent, tout en assurant la sécurité nationale de chaque État membre et de leurs alliés en dehors de l’Europe.

Ces alliés ont été les premiers à répondre aux attentats du 11 septembre à New York et à Washington en invoquant l’article 5 du traité de l’OTAN. Ils ne se sont arrêtés devant rien pour apporter leur aide et leur soutien à ceux qu’ils considéraient comme leurs alliés les plus précieux – les États-Unis –, qui se sont tenus à leurs côtés durant les moments difficiles pendant la guerre froide et plusieurs années après.

Ces alliés ont rejoint la campagne américaine contre Al-Qaïda en Afghanistan il y a 17 ans et continuent, encore aujourd’hui, d’épauler les États-Unis, même dans cette guerre sans issue qui fait couler tant de sang et nécessite tellement de ressources. Les pays de l’alliance sont toujours prêts et prompts à soutenir les États-Unis, qui à leur tour ont fait preuve d’une loyauté incontestée à l’égard de cette alliance avec les pays européens.

Ces alliés nous ont rejoints dans la guerre en Irak et n’ont jamais hésité à y prendre part, même si cette guerre s’est finalement avérée désastreuse. Ils ont sacrifié des hommes, des femmes et de nombreuses richesses à l’effort de guerre et ils subissent encore aujourd’hui les conséquences de cette guerre malavisée, une guerre qui a donné naissance à l’État islamique ainsi qu’à d’autres groupes extrémistes violents qui s’emploient à terroriser l’Europe aux prises avec de nombreuses vagues de réfugiés qui affluent sur ses rives.

Ces alliés ont soutenu les États-Unis dans leurs efforts visant à résoudre les guerres et les crises au Moyen-Orient et en Afrique. Peu importe à quel point certains de ces efforts ont été médiocres et malencontreux, que ce soit en Libye, en Syrie, en Irak ou dans les Balkans, nos alliés sont restés fidèles à leur engagement de soutenir les États-Unis.

C’est avec fierté que tous les présidents américains, de Harry Truman à Barack Obama, ont honoré la contribution historique des États-Unis à la reconstruction de l’Europe sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale, menant ainsi à l’émergence de l’OTAN et de l’Union européenne.

Cette alliance témoignait de la grandeur de l’Amérique, étincelante telle la lumière du phare de la démocratie et des droits de l’Homme, inspirant des dizaines d’autres nations à l’imiter. Les États-Unis et leurs alliés européens ont défendu ensemble justesse et moralité. Ils ont consenti d’immenses sacrifices pour préserver le nouvel ordre exalté.

Jusqu’à ce que Donald Trump devienne président des États-Unis. En peu de temps, il est parvenu à briser cette alliance unique et couronnée de succès, à remettre en question la valeur de l’OTAN et à humilier ses dirigeants. Il a écartelé l’Europe puis l’a soumise, avec l’Amérique, aux caprices du pire ennemi de l’Occident, la Russie de Poutine.

Le sénateur John McCain a bien résumé les choses en déclarant que Trump avait fait « le choix conscient de défendre un tyran » et offert « l’une des performances les plus honteuses d’un président américain ». Une chose est sûre, Trump a bafoué tous les principes et toutes les valeurs que défend l’alliance, ce qui soulève une question importante : qu’est-ce que nos alliés devraient faire maintenant pour éviter que l’alliance ne soit complètement détruite à cause de la trahison de Trump ?

On a peine à croire qu’au moment de partager la scène avec un ennemi sur un sol étranger, Trump a pris ouvertement le parti de Vladimir Poutine en ce qui concerne les conclusions de ses propres services de renseignement au sujet de l’ingérence de la Russie dans les élections, mettant ainsi à bas la politique étrangère que les États-Unis mènent depuis plusieurs décennies à l’égard de la Russie, uniquement pour servir ses petits intérêts politiques.

On se souviendra sûrement de la trahison de Donald Trump vis-à-vis de ses alliés européens comme du plus sombre chapitre de l’histoire de l’alliance de l’OTAN. Et la situation ne changera pas tant que Trump restera au pouvoir. La semaine dernière, à Bruxelles, le président américain s’en est pris aux alliés les plus chers des États-Unis, en affichant un respect inconditionnel pour l’ennemi juré de l’Occident, Vladimir Poutine. Son comportement était excessivement répugnant et abracadabrant, pour ne pas parler de traîtrise.

L’acquiescement donné par Donald Trump au président russe a été qualifié par James Clapper, ancien directeur du renseignement national américain, de « capitulation incroyable » et par l’ancien directeur de la CIA John Brennan de « rien de moins qu’une trahison ».

À cause de son comportement erratique, Donald Trump a fourni à l’UE une occasion historique de réévaluer son rôle et son engagement dans l’alliance avec les États-Unis. Si l’UE doit tout mettre en œuvre pour préserver l’intégrité de l’OTAN, elle doit s’efforcer de mettre fin à sa dépendance psychologique et émotionnelle vis-à-vis des États-Unis et fixer l’alliance avec l’Amérique sur des objectifs stratégiques communs.

L’UE doit donc se préparer à agir de façon unilatérale et indépendante si sa sécurité nationale collective se voit menacer, avec ou sans le soutien des États-Unis. Les États-Unis respecteront davantage l’UE et la traiteront sur un pied d’égalité si celle-ci adopte une position indépendante, qu’il convient de maintenir, quelle que soit la personne qui occupe la Maison-Blanche.

Pour ce faire, l’UE doit définir sa propre vision de ce qu’elle veut être dans 15 à 20 ans ainsi que les mesures à prendre pour préserver l’intégrité de l’alliance européenne. La porte restera ouverte au leadership américain lorsque les États-Unis auront retrouvé un président de principe et sain d’esprit, qui comprend les valeurs importantes de l’alliance.

Pour l’heure, l’UE doit toutefois mettre en place des mécanismes politiques et de défense avec tout ce que cela implique pour prendre en main sa destinée, ainsi que l’a récemment déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, et élaborer en conséquence une stratégie qui lui permettra de concrétiser sa vision de l’avenir par étapes. L’UE doit manifestement se préparer à prendre les mesures correctives qui pourraient s’avérer nécessaires et relever les défis qui pourraient surgir.

Hélas, quel que soit le nombre d’années qu’il restera au pouvoir, Donald Trump a déjà causé des dommages incalculables à l’alliance occidentale. Le fait est qu’un groupe d’électeurs soutient aveuglément ce dirigeant malavisé. Ce groupe lui survivra sans aucun doute et continuera d’avoir un impact sur la politique étrangère et intérieure américaine.

Dès lors, l’UE ne peut exclure d’éventuelles politiques américaines biaisées en faveur du slogan « l’Amérique d’abord » que les républicains continueront d’adopter s’ils veulent rester au pouvoir. Pour les contrecarrer, l’UE doit, pour des raisons évidentes, continuer de respecter pleinement les accords et traités établis, au mépris de Donald Trump. L’accord de Paris sur le changement climatique et l’accord iranien en sont de bons exemples.

Indépendamment des États-Unis, l’UE doit renforcer sa capacité militaire et acquérir une force de dissuasion crédible contre la Russie. Elle doit rester la force militaire la plus puissante d’Europe dans le cadre de l’OTAN et allouer tous les fonds nécessaires à cette fin.

À cet égard, il convient que l’UE réévalue la fiabilité et la loyauté de la Turquie en tant que membre de l’Organisation. Elle ne doit pas exclure l’expulsion de la Turquie aussi longtemps qu’Ankara défiera la charte de l’OTAN par ses violations flagrantes des droits de l’Homme et par le fait qu’elle se rapproche de la Russie, ennemi numéro un de l’Europe.

L’UE doit également consolider ses institutions en réformant sa constitution, en particulier son processus décisionnel, en vue de mettre en place des politiques opportunes et plus efficaces. Cet aspect est d’autant plus important que l’UE est désormais confrontée à des turbulences liées au Brexit ainsi qu’à une discorde politique interne. Elle doit mettre au point une structure financière permanente pour répondre aux besoins de ses États membres qui rencontrent des difficultés financières, comme la Grèce.

L’UE devrait par ailleurs suspendre son expansion tant qu’elle n’aura pas réalisé la plupart de ses réformes. Entre-temps, elle doit établir et entretenir des relations avec tous les candidats potentiels à l’adhésion, en particulier les pays des Balkans, pour empêcher Erdogan de faire entrer ces États dans son orbite islamique.

L’UE doit en outre se concentrer sur la résolution des conflits, surtout au Moyen-Orient et en Afrique, qui ont un impact direct et indirect sur l’Europe. Étant donné ses intérêts stratégiques et de sécurité directs, l’UE doit jouer un rôle actif dans la recherche d’une solution au conflit en Libye (provoqué par l’implication de l’Europe dans la chute de Kadhafi) et au Yémen. Elle doit assurément maintenir ses efforts pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien, même si cela semble illusoire.

Il conviendrait aussi que l’UE change la nature de ses relations avec l’Afrique, non seulement en passant de donateur à bénéficiaire, mais aussi en jouant un rôle direct dans la croissance des pays africains sous-développés. Elle a l’obligation morale de le faire à cause du colonialisme, mais aussi parce que de tels efforts servent ses intérêts en matière de sécurité.

Une part importante de la vaste contribution financière de l’UE à l’Union africaine (plus de 3 milliards de dollars depuis 2004) devrait être consacrée à des projets de développement durable pour créer des possibilités d’emploi et donner aux communautés locales les moyens de se prendre en charge. C’est le moyen le plus efficace de s’attaquer aux causes profondes de l’extrémisme violent et de la migration, dont souffre gravement l’UE.

Donald Trump est devenu une marionnette manipulée par le maître marionnettiste Vladimir Poutine. Nous ne pouvons plus nous fier à lui pour servir les intérêts des États-Unis ou ceux de nos alliés. Mais viendra le jour où Trump sera confronté au jugement de l’électorat américain – et le plus tôt sera le mieux – et où l’alliance historique indispensable avec nos partenaires européens sera rétablie.

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