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septembre 28, 2017

Les États-Unis doivent accepter l’accession de la Corée du Nord au rang de puissance nucléaire

Bien que le président américain Donald Trump ne soit pas responsable de l’échec total des États-Unis, qui n’ont pas réussi à empêcher la Corée du Nord de devenir une puissance nucléaire, ses menaces belliqueuses à l’encontre de l’État nord-coréen ainsi que l’accélération du programme nucléaire et de missiles de Pyongyang ont dangereusement exacerbé les tensions régionales. Les messages contradictoires de la Maison-Blanche, le manque de diplomatie efficace et de coordination avec le ministère de la Défense indiquent une absence totale de stratégie cohérente vis-à-vis de la Corée du Nord. Il est temps que les États-Unis acceptent la réalité : la Corée du Nord est une puissance nucléaire. À moins d’une attaque militaire massive contre ses installations nucléaires, ce qui est impensable, aucun effort ni aucune incitation diplomatique n’amèneront Pyongyang à abandonner son arsenal nucléaire, comme en témoigne l’histoire du conflit.

Au contraire, les États-Unis doivent désormais se concentrer sur les moyens diplomatiques qui permettront d’empêcher la Corée du Nord de mener à bien l’élaboration d’une tête nucléaire miniaturisée sur un missile balistique intercontinental qui exposerait les États-Unis et leurs alliés à des risques inacceptables. C’est la ligne rouge que le régime ne devrait pas être autorisé à franchir, et c’est peut-être la seule concession que les dirigeants nord-coréens accepteront de faire en échange de plusieurs concessions – surtout la conservation de leurs armes nucléaires.

L’absence de stratégie globale en ce qui concerne la menace nord-coréenne transparaît tristement dans les propos agressifs et spontanés de Donald Trump : « La Corée du Nord ferait mieux de ne plus proférer la moindre menace contre les États-Unis. Ils se heurteront au feu et à la colère comme le monde n’en a jamais vu », ou dans ses tweets : « Les solutions militaires sont maintenant complètement en place, et prêtes à l’emploi, si la Corée du Nord se comporte imprudemment. J’espère que Kim Jong-un trouvera une autre voie ! »

Le secrétaire à la défense James Mattis a ajouté de l’huile sur le feu en précisant que « Toute menace [nord-coréenne] visant les États-Unis ou leurs territoires, y compris la Guam, ou leurs alliés, fera l’objet d’une réponse militaire massive, une réaction efficace et écrasante » (sans italique dans le texte original). Aucune de ces menaces n’a dissuadé la Corée du Nord. Au contraire, Pyongyang a préféré envoyer un missile balistique intercontinental qui pourrait, en théorie, atteindre les États-Unis, et faire exploser ce qui semble être une bombe à hydrogène des centaines de fois plus puissante que la bombe nucléaire larguée au-dessus d’Hiroshima au Japon.

Pour les raisons suivantes, la Corée du Nord a conclu que les États-Unis n’entreraient pas en guerre à cause de son programme nucléaire, car un tel conflit engendrerait des conséquences désastreuses, un point sur lequel plusieurs hauts fonctionnaires américains ont également insisté.

L’administration Trump s’inquiète de la dévastation horrible qu’une telle guerre infligerait aux alliés des États-Unis, en particulier la Corée du Sud et le Japon, ainsi que de la déstabilisation inquiétante qu’elle provoquerait en Asie du Sud-Est et qui amènerait la Chine et les États-Unis à s’affronter, parmi d’autres problèmes épouvantables.

Les États-Unis ont choisi de ne pas déployer de ressources navales et aériennes supplémentaires en plus des forces actuellement stationnées dans la région. La Corée du Nord en est donc venue à douter sérieusement de la crédibilité de l’État américain à recourir à la force. L’administration Trump a préféré imposer des sanctions supplémentaires, que les dirigeants nord-coréens ont anticipées et qui ne les empêchent pas de vivre depuis des dizaines d’années.

Malgré la pression américaine, la Chine a toujours refusé d’obliger la Corée du Nord à abandonner son programme nucléaire. La Chine peut vivre avec une Corée du Nord nucléaire ; elle ne veut pas assister à la chute du régime nord-coréen, de peur de voir débarquer des vagues de réfugiés, et elle ne veut pas que les États-Unis renforcent leur présence militaire dans son hémisphère.

En outre, contrairement à ce que pensent les États-Unis, la Chine a une influence limitée sur Pyongyang. Les dirigeants nord-coréens se plieront aux désirs de la Chine seulement jusqu’à un certain point. Mais ils tiendront tête pour protéger leurs armes nucléaires, car ils pensent que leur survie même en dépend – et ils ne les mettront jamais sur la table des négociations.

La Corée du Nord sait également que l’État sud-coréen ne veut pas d’affrontement militaire, car il aurait trop à perdre. Le régime sud-coréen a manifesté, à maintes reprises, sa volonté de négocier avec la Corée du Nord, même au beau milieu des échanges houleux entre Washington et Pyongyang, au grand dam de Donald Trump.

L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU Nikki Haley a déclaré que Kim Jong-un « réclamait la guerre », mais contrairement à ce qu’elle pense, le dirigeant nord-coréen ne supplie pas les États-Unis d’entrer en guerre. Il sait que les Américains ne précipiteront pas la guerre sauf s’il décide de les attaquer ou d’attaquer l’un de leurs alliés, ce qu’il n’envisagera même pas de faire, sachant que son propre pays pourrait être anéanti par d’importantes frappes de représailles de la part des États-Unis.

Enfin, Donald Trump a lancé un avertissement : « les États-Unis envisagent, en plus d’autres options, de mettre fin à tous les échanges commerciaux avec les pays faisant des affaires avec la Corée du Nord », mais cette mesure serait impossible à mettre en œuvre, en particulier avec la Chine, dont les échanges commerciaux avec les États-Unis frôlent plusieurs centaines de milliards de dollars. Quoi qu’il en soit, cette décision serait contre-productive, puisque les États-Unis ont besoin du soutien de la Chine pour gérer la Corée du Nord.

Afin de prévenir une nouvelle aggravation du conflit, les États-Unis doivent accepter que les choses ont changé et que la Corée du Nord est désormais une puissance nucléaire, tout comme l’Inde et le Pakistan. Cette reconnaissance a permis de créer une dissuasion mutuelle et de mettre fin aux guerres conventionnelles entre les deux pays.

En effet, la véritable menace pesant sur les États-Unis et leurs alliés ne provient pas de la détention d’un arsenal nucléaire nord-coréen, mais bien du développement et du déploiement de missiles balistiques intercontinentaux équipés de têtes nucléaires miniaturisées. Ceux-ci pourraient atteindre le territoire des États-Unis et de leurs alliés. Pour supprimer cette menace, les États-Unis devraient négocier directement avec la Corée du Nord et conclure un accord permettant de bloquer le développement de ce type de technologie, ce que la Chine soutiendrait certainement.

La Corée du Nord pourrait accéder à cette demande au travers de négociations, car elle pourra toujours se vanter d’être une puissance nucléaire et obtenir la reconnaissance et le respect de la communauté internationale, auxquels elle aspire cruellement.

En échange, la Corée du Nord exigera des États-Unis qu’ils mettent un terme à leur politique belligérante en vigueur depuis la fin de la guerre de Corée ; qu’ils s’engagent à ne pas vouloir changer le régime en place, ce qui a toujours été le principal facteur de motivation de leur quête d’un bouclier nucléaire ; qu’ils mettent fin à leurs jeux de guerre avec la Corée du Sud et qu’ils suppriment progressivement leurs sanctions.

Il est extrêmement important de lever ces sanctions pour atténuer la crise humanitaire infligée aux 25 millions de Nord-Coréens, en particulier les femmes et les enfants, depuis près de 70 ans. Même si l’aide humanitaire n’est pas soumise aux sanctions diplomatiques, plus de 10 millions de citoyens sont sous-alimentés et souffrent d’insécurité alimentaire chronique, ce que le reste de la communauté internationale ignore ou oublie tragiquement.

Sur la base des conditions évoquées, la Corée du Nord devra respecter pleinement toutes les dispositions de l’accord, rejoindre le traité de non-prolifération et accepter les règles et exigences de l’Agence internationale de l’énergie atomique, surtout en ce qui concerne le déploiement de contrôleurs et la mise en place d’inspections rigoureuses pour garantir le plein respect de ces conditions.

Les précédentes administrations américaines ont essayé toutes les approches imaginables pour mettre un terme au programme nucléaire nord-coréen : sanctions, négociations, menaces militaires et isolement. Mais aucune n’a fonctionné, car Pyongyang est déterminé à garder ses armes nucléaires pour ne pas s’exposer à un changement de régime.

Nous devons aujourd’hui accepter le fait que la Corée du Nord a accédé au range de puissance nucléaire et compter sur la dissuasion nucléaire tout en normalisant les relations au passage. Tout le reste n’est que douce illusion, et Kim Jong-un le sait très bien.

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