Une « Armée de l’islam » : le complot d’Erdogan contre Israël
Alon Ben-Meir et Arbana Xharra
Arbana Xharra est l’auteure d’une série de rapports d’enquête sur les extrémistes religieux et le programme islamique de la Turquie dans les Balkans. Elle a remporté de nombreux prix pour ses reportages et a reçu en 2015 le prix international Femme de courage du département d’État américain.
Il y a un mois à peine, en prévision du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à Istanbul, le quotidien turc Yeni Şafak, considéré comme l’un des porte-parole de Recep Tayyip Erdogan et de son Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, a publié un article intitulé « Appel en faveur d’une action urgente ». Le même article a également été publié sur le site web du journal, mais cette fois sous un titre plus explicite : « Et si une Armée de l’islam se soulevait contre Israël ? ». Cet article appelait ouvertement les 57 États membres de l’OCI à former une « Armée de l’islam » conjointe dans le but de lancer une attaque simultanée contre Israël depuis l’est, l’ouest, le nord et le sud. D’après le Service de sécurité intérieure israélien, aussi connu sous le nom de Shin Bet, l’article en question semble émaner de la société turque SADAT qui, parmi d’autres intrigues sinistres, fournit au Hamas des fonds ainsi que du matériel militaire en vue de créer une armée « palestinienne » pour se joindre au combat contre Israël.
La création d’une Armée de l’islam
L’article du quotidien turc sur la création d’une « Armée de l’islam » visant à détruire l’État hébreu était accompagné d’une carte interactive décrivant la formation des forces militaires musulmanes pour lancer une attaque conjointe contre Israël. Il donnait également des informations sur les forces militaires basées à différents endroits et le rôle à jouer pour exécuter leur complot.
Dans son article, le quotidien Yeni Şafak précisait également que « si les États membres de l’OCI unissaient leurs forces militaires, ils constitueraient l’armée la plus grande et la plus étendue du monde. Le nombre de soldats actifs s’élèverait à au moins 5 206 100, tandis que le budget consacré à la défense atteindrait environ 175 milliards de dollars. »
L’article en question fournissait des détails supplémentaires sur ce plan scandaleux : « 250 000 soldats devraient prendre part à la première offensive d’une éventuelle opération. Les bases navales, aériennes et terrestres des États membres situés dans les régions les plus critiques seront utilisées. Des bases conjointes seront établies sur une courte période… Il est possible de mobiliser rapidement 500 chars et véhicules blindés, 100 avions, 500 hélicoptères de combat et 50 navires. »
Peu importe à quel point ce plan suicidaire peut sembler absurde et préoccupant, Erdogan n’a pas rejeté l’article. En fait, il a même réaffirmé à plusieurs reprises sa volonté de faire renaître l’Empire ottoman, dans le cadre duquel il souhaite créer l’« Armée de l’islam ».
Le retour de l’Empire ottoman
L’Empire ottoman dont il parle est le même qui a commis le génocide de plus d’un million d’Arméniens à la veille de la défaite des Ottomans à la fin de la Première Guerre mondiale. Nul ne devrait donc ignorer l’illusion cachée d’Erdogan de commettre un génocide contre les Juifs d’Israël. Erdogan est un homme dangereux, car il est assez fou non seulement pour penser en ces termes incompréhensibles, mais aussi pour agir sur plusieurs fronts, comme il le fait actuellement.
Ces dernières années, Erdogan s’est employé à établir des bases militaires au Qatar et en Somalie. Il a récemment conclu un accord avec le Soudan pour acquérir une île soudanaise de la mer Rouge afin de l’utiliser comme base militaire avancée. Pendant ce temps, il exerce des pressions considérables sur le Caucase et les États de l’ex-Union soviétique, tels que l’Afghanistan, l’Azerbaïdjan et plusieurs autres, pour que ceux-ci suivent ses diktats. Il a menacé plusieurs fois d’envahir les îles grecques de la Méditerranée, sans parler de sa récente incursion en Syrie dans le but précis d’établir une présence permanente dans ce pays au nom de la lutte contre le terrorisme kurde.
Dernièrement, lors de la cérémonie de commémoration du 100e anniversaire de la mort du sultan de l’Empire ottoman Abdülhamid II dans le palais de Yıldız à Istanbul, Erdogan a déclaré que « la République de Turquie, tout comme nos précédents États qui se sont succédé, est aussi une continuation de l’Empire ottoman ».
Une Europe musulmane
Erdogan a par ailleurs déclaré, selon Bloomberg, que « trop de Turcs, induits en erreur par l’Occident, avaient coupé le pays de ses racines ottomanes ». « L’histoire n’est pas seulement le passé d’une nation, mais la boussole de son avenir. »
Le député Alpaslan Kavaklıoğlu, membre de l’AKP au pouvoir et président de la Commission de la sécurité et des renseignements du parlement, s’est récemment exprimé en ces termes : « La population musulmane sera plus nombreuse que la population chrétienne en Europe. Ce phénomène… renforce la rhétorique nationaliste, xénophobe et anti-islamique. Ainsi, les petits partis marginaux commencent à obtenir un plus grand nombre de votes… Il n’y a aucune échappatoire. L’Europe sera musulmane. Nous serons efficaces là-bas, si Allah le veut. J’en suis sûr. » [gras ajouté par rapport au texte original]
La Turquie comme principal État islamiste
Afin de promouvoir le retour de l’Empire ottoman et sa volonté de devenir le dirigeant du monde musulman, Erdogan se sert de l’islam comme d’une cause commune autour de laquelle tous les États musulmans peuvent se rallier. Il utilise la religion pour éviter que ses motifs ou la nature de sa mission soient remis en question, en déclarant qu’il agit selon la volonté de Dieu. Nul ne devrait être surpris si Erdogan annonce bientôt que la charia est désormais la loi du pays. Il exploite l’islam à des fins politiques et personnelles. Il se sert des symboles et des préceptes islamiques pour endoctriner son peuple et promeut l’éducation islamique dans les écoles afin de façonner une nouvelle génération de musulmans dévots qui lui seront loyaux.
Erdogan prétend encore gouverner une démocratie islamique, mais la vérité est que la Turquie ne ressemble en rien à une démocratie sous son règne dictatorial. Il transforme progressivement la Turquie en État islamiste qui soutient et appuie des groupes islamistes extrémistes comme le Hamas et l’État islamique.
Les États-Unis et l’UE doivent empêcher Erdogan de faire chanter l’Occident
Depuis la publication de ce projet scandaleux, pas un seul représentant des États-Unis ou de l’UE ne l’a condamné. Les États-Unis et l’UE doivent exiger qu’Erdogan se dissocie des idées rapportées par le quotidien Yeni Şafak et qu’il les rejette avec la plus grande fermeté. En outre, les États-Unis devraient avertir Erdogan que la promulgation de son idéologie de retour de l’Empire ottoman sera traitée comme une menace pour les intérêts stratégiques des États-Unis et de l’UE et qu’elle aura de graves conséquences.
Nul ne devrait négliger le projet anti-occidental révoltant d’Erdogan, qui constitue une menace majeure pour la sécurité, en particulier les États-Unis et l’UE. Il est temps que l’UE ferme définitivement et publiquement la porte à une future adhésion de la Turquie.
Aucune administration américaine ne devrait permettre à la Turquie de menacer de détruire l’un de ses alliés les plus proches – Israël. Des menaces qui devraient effrayer non seulement tous les Israéliens, mais aussi tous leurs proches alliés.
Il est impossible de se fier à un dirigeant qui ne s’exprime pas sur la création d’une Armée islamique. Celui-ci doit être traité comme un chef d’État légitime, mais comme un traître qui fait courir son pays et son peuple au désastre.
Aucun pays se mettant dans les petits papiers de la Russie – ennemi de l’Occident –, et se procurant des armes auprès d’elle, et achetant du pétrole à l’État islamique ne devrait rester membre de l’OTAN.
Et aucun chef d’État responsable du démantèlement de chaque pilier démocratique de son pays et de sa transformation en État islamique extrémiste ne peut être un allié digne de confiance – en particulier celui qui s’immisce dans les affaires intérieures de nombreux pays et nuit à l’ordre international.
Combien d’autres mesures sinistres Erdogan doit-il encore prendre avant que l’UE et les États-Unis ne reconnaissent qu’il constitue une menace pour les intérêts stratégiques occidentaux ? Il faut l’empêcher de faire chanter l’Occident tout en détruisant le pays imaginé par son fondateur Mustafa Kemal Atatürk.