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mai 15, 2017

La désunion des partis d’opposition israéliens au service de l’occupation

Ce 5 juin, Israël franchira le triste cap des cinquante années d’occupation de la Cisjordanie. Bon nombre d’Israéliens ont perdu le sens des réalités en se rendant aux arguments du gouvernement qui soutient que l’occupation continue de la Cisjordanie est nécessaire pour protéger la sécurité nationale du pays. Mais d’autres regrettent ce cap, considérant cette occupation non seulement comme une grave violation des droits de l’homme palestiniens, mais aussi comme une menace réelle pour la démocratie israélienne et l’identité nationale juive. Tandis que les gouvernements de droite ont maintenu l’occupation des territoires palestiniens par tous les moyens disponibles, y compris l’usage de la force, les partis d’opposition du centre et de la gauche ont lamentablement échoué, année après année, à proposer un programme politique commun pour mettre un terme à l’occupation et résoudre le conflit israélo-palestinien sur la base d’une solution à deux États.

Chaque jour, il est de plus en plus difficile de créer un État palestinien sur un territoire contigu, laquelle situation est due à la légalisation de colonies clandestines, à la construction de nouvelles colonies et à l’expansion des autres. Ces colonies ont modifié la composition démographique des juifs israéliens et des Palestiniens en Cisjordanie. Si cette tendance se poursuit pendant encore une décennie, le nombre de juifs vivant en Cisjordanie et à Jérusalem-Est devrait passer de 650 000 à un million. Cette situation créera des faits irréversibles sur le terrain qui rendront la solution à deux États impossible.

Les gouvernements de droite qui se sont succédé, et en particulier le gouvernement actuel dirigé par Benyamin Nétanyahou, ne se sont jamais engagés à trouver une solution à deux États. Au contraire, ils se sont résolus à gérer cette occupation par la force et l’intimidation, en contraignant les Palestiniens à vivre dans des cantons autonomes et en leur permettant de diriger leurs propres affaires internes à condition de ne pas constituer une menace pour la sécurité.

Cette évolution dangereuse a été rendue possible en grande partie par deux facteurs. Le premier est que le système politique israélien a encouragé la multiplication de partis aux orientations politiques divergentes. En moyenne, douze à quinze partis politiques recueillent le seuil de qualification minimum de 3,35 % des votes pour être élus. Dès lors, tous les gouvernements israéliens, depuis la naissance de l’État, sont des gouvernements de coalition composés de plusieurs partis qui bénéficient ensemble de l’appui d’une majorité à la Knesset. Le deuxième facteur est que les partis d’opposition, anciens et actuels, du centre et de la gauche ont toujours refusé de former un gouvernement de coalition avec un programme politique commun qui mettrait fin à l’occupation.

L’une des raisons principales de cette discorde n’est pas tant la différence idéologique des partis, mais l’ambition personnelle et aveugle de leurs chefs – notamment Yair Lapid de Yesh Atid, Isaac Herzog de l’Union sioniste (ainsi que Tzipi Livni), et bien d’autres – à vouloir devenir Premier ministre. Ils se considèrent tous comme les plus aptes à diriger le pays.

Cette sphère politique a donc donné la possibilité à Nétanyahou et à ses partisans d’agrandir les colonies, affirmant énergiquement que les juifs ont un droit historique et biblique sur toute la « terre d’Israël » que Dieu leur a léguée, et qu’Israël a tout à fait le droit de construire n’importe où en Judée et en Samarie. Nétanyahou continue d’affirmer qu’il soutient la solution à deux États, et pourtant, il n’a jamais fourni d’arguments convaincants quant à la manière dont il conjuguerait la création d’un État palestinien avec les revendications israéliennes sur ce même territoire et la construction de colonies là où les Palestiniens sont censés établir leur propre État.

Alors comment explique-t-il la « raison d’être » de cette contradiction ? Selon lui, les préoccupations d’Israël en matière de sécurité, tout comme l’objectif à long terme des Palestiniens de détruire l’État israélien, l’obligent à garder le contrôle sur la totalité du territoire en prenant toutes les mesures de sécurité intrusives nécessaires. Plusieurs membres du gouvernement de Nétanyahou appellent en outre ouvertement à l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie, car de leur point de vue, l’État palestinien ne doit jamais voir le jour.

Les conséquences désastreuses de cette occupation sont extrêmement préjudiciables à l’identité et à la sécurité nationale d’Israël. Outre l’opposition intense et croissante de la communauté internationale, la perte de boussole morale d’Israël et sa résistance continue à la création d’un État palestinien lui seront dommageables. Israël devient de plus en plus un État paria, en guerre avec le monde arabe, perdant progressivement sa raison même d’exister en tant qu’État juif. Ironiquement, Nétanyahou et l’extrême droite insistent pour le qualifier comme tel. Enfin, la poursuite de cette occupation envenimera inévitablement le conflit, qui sera encore plus féroce à mesure que s’évanouit l’espoir des Palestiniens de créer leur propre État.

L’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique repose sur les épaules des partis d’opposition. Ils doivent réfléchir à ce qui se passera si les gouvernements de centre droit, actuels ou futurs, poursuivent leur politique et maintiennent l’occupation pour dix ans ou plus.

Ils doivent se rappeler que le destin de leur pays est entre leurs mains. Ils doivent mettre leurs ambitions personnelles de côté et faire passer la sécurité future et le bien-être de l’État en premier lieu. Ils doivent présenter un programme politique commun pour mettre fin à l’occupation et expliquer au public les conséquences catastrophiques qu’Israël subira si l’occupation perdure.

En créant un parti unique agissant de manière concertée, ils peuvent s’opposer au gouvernement de Nétanyahou lors des prochaines élections. Ils doivent tirer des leçons de ces 70 années d’expérience au cours desquelles aucun parti politique n’a pu obtenir la majorité de l’électorat pour former seul un gouvernement, mais ensemble, ils peuvent mobiliser le public derrière cette noble cause : libérer Israël de cette occupation dégradante.

S’ils échouent, eux aussi seront accusés d’avoir trahi la nation et d’avoir sacrifié le rêve millénaire d’un État juif – un État reconnu non seulement pour ses réalisations sans précédent, mais aussi grâce à son degré de moralité élevé et au constat que son avenir en tant qu’État libre, indépendant et sûr dépend de la création d’un État palestinien.

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