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juillet 14, 2025

S’il ne s’agit pas d’un génocide, de quoi s’agit-il ?

Pendant plus d’un an, j’ai refusé de qualifier de génocide la guerre menée par Israël contre le Hamas et le règne de l’horreur infligé aux Palestiniens et Palestiniennes de Gaza, mais aujourd’hui, je suis profondément bouleversé par ce dont je suis témoin. Si les actes commis par l’État d’Israël ne constituent pas un génocide, alors j’ignore de quoi il s’agit

L’année dernière, j’ai assisté à la cérémonie de remise des diplômes de la Mailman School of Public Health (école de santé publique Mailman) de l’université de Columbia. L’étudiante choisie pour prononcer un discours au nom du corps étudiant était une jeune femme arabe. Elle a d’abord parlé de son expérience à l’université en tant qu’étudiante, puis elle a évoqué la guerre à Gaza. Dans son discours, elle a utilisé à plusieurs reprises le terme « génocide » pour décrire les atrocités d’Israël et l’assaut lancé contre Gaza.

J’étais alors furieux ; si Israël commettait de nombreux crimes dans sa guerre contre le Hamas, ceux-ci n’atteignaient, selon moi, pas le niveau de génocide. Mais ces derniers mois, témoin de l’horreur qui se déroulait à Gaza – la destruction massive des infrastructures, le massacre aveugle d’hommes, de femmes et d’enfants, la vengeance et les représailles évidentes de soldats israéliens, la famine dont souffre toute la population gazaouie –, je n’ai pu m’empêcher d’arriver à cette conclusion terriblement triste : ce qu’Israël est en train de commettre n’est rien d’autre qu’un génocide.

Sinon, comment expliquer la mort de près de 54 000 Palestiniens, dont plus de la moitié étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées ? Comment définir la destruction délibérée d’hôpitaux, de cliniques, d’écoles et de quartiers entiers, dont les décombres ensevelissent plusieurs milliers de personnes laissées à l’abandon ? Comment décrire les multiples soldats israéliens qui se targuent du nombre de Palestiniens qu’ils ont tués ? Et comment qualifier ce gouvernement qui se félicite de l’objectif qu’il s’était fixé de démolir, décimer et démanteler tout ce qui tenait encore debout à Gaza ?

À force d’écouter et de regarder l’horreur jour après jour, je n’ai pu m’empêcher de pleurer face à ce qui se passait sous mes yeux, et sous les yeux du monde entier. Et pourtant, il ne s’est pratiquement rien passé pour mettre un terme à cette mascarade. La guerre continue, tout comme les massacres, la famine, la destruction, la vengeance et les représailles, avec l’inhumanité et la brutalité comme ordre du jour.

Oui, j’ai versé de vraies larmes et je me suis demandé :

Où sont donc tous ces Israéliens qui manifestent jour après jour pour obtenir la libération des 59 otages restants, mais qui n’élèvent jamais la voix pour que cesse le massacre de 54 000 Palestiniens et Palestiniennes ?

Où sont donc les rabbins qui louent Dieu d’être l’élu ? Je me demande si Dieu a choisi les Juifs pour mutiler, massacrer et tuer d’autres personnes. L’État d’Israël bâti sur les cendres des Juifs ayant péri lors de l’Holocauste a-t-il aujourd’hui la justification morale de perpétrer un génocide contre des hommes, des femmes et des enfants innocents ?

Où sont les partis de l’opposition israélienne, qui restent paralysés et confortablement engourdis ? Pourquoi ne crient-ils pas et ne protestent-ils pas contre ce gouvernement maléfique qui détruit les fondements mêmes d’un pays qui a sacrifié son âme sur l’autel du gouvernement le plus vil de l’histoire d’Israël ?

Où sont les universitaires, les professeurs et les étudiants qui devraient défendre la morale à tout prix ? Pourquoi ont-ils enfoui leurs voix parmi les milliers de Palestiniens enterrés sans laisser de traces ?

Et qu’est-il arrivé à cette armée que l’on qualifie d’armée « la plus morale du monde » ? Les Forces de défense israéliennes, si fières de défendre leur pays, sont aujourd’hui les plus dépravées et commettent des crimes d’une cruauté, d’une impitoyabilité et d’une sauvagerie innommables. Ces soldats se battent sous une fausse bannière ; ils croient sauver le pays d’un ennemi mortel alors qu’en fait, ils détruisent Israël de l’intérieur, abandonnant leur pays en quête de salut pour les générations à venir.

J’ai été élevé par des parents qui m’ont inculqué le sens de l’entraide et de la compassion, qui m’ont appris à prêter main-forte aux personnes dans le besoin, à partager ma nourriture avec celles et ceux qui ont faim, et à ne jamais haïr ou mépriser autrui. Ces valeurs ne m’ont jamais quitté et sont de véritables idéaux pour moi. Elles me permettent de tenir dans les moments de perte, de souffrance, de chagrin, d’espoir et d’angoisse, quand je ne sais pas de quoi demain sera fait.

Un jour, j’ai demandé à ma mère : « Maman, que dois-je faire avec les personnes qui me détestent et qui me veulent du mal uniquement à cause de ce que je suis ? » Après une seconde de réflexion, elle m’a dit : « Mon fils, si une brute te fait du mal, défends-toi, mais n’en deviens jamais une toi-même. Car si tu deviens toi-même une brute, tu auras perdu ton humanité et tu n’auras plus guère de raisons de vivre. » Et, après un autre silence, elle a ajouté : « N’oublie pas, mon fils, que prendre un œil pour un œil nous rend tous aveugles. »

Tant d’Israéliens m’ont lancé en pleine face que nous devrions tuer tous les enfants palestiniens de Gaza sous prétexte que, lorsqu’ils seraient adultes, ils deviendraient des terroristes déterminés à nous terroriser aussi longtemps qu’ils vivraient, et que nous devrions tous les tuer pour empêcher que cela se produise. Ces personnes sont complètement malades, dérangées et folles. Leur est-il venu à l’esprit que ce qu’Israël inflige aujourd’hui à la population palestinienne incitera la prochaine génération de Palestiniens à devenir des terroristes parce qu’ils n’auront plus rien à perdre et que la vengeance sera leur seule raison de vivre ?

Israël a perdu ses valeurs juives, sa conscience, sa morale, son sens de l’ordre et sa raison d’être. L’attaque sauvage du Hamas contre Israël est inadmissible et inacceptable. Mais la réaction de l’État hébreu au massacre du Hamas m’a précisément rappelé ce que ma mère m’a toujours enseigné : si une brute te fait du mal, n’en deviens jamais une, car tu n’auras plus aucune raison de vivre.

Lorsque cette horrible guerre sera terminée, Israël ne sera plus jamais le même. Il s’est stigmatisé pour les générations à venir, a infligé des dommages irréparables à la communauté juive mondiale, a intensifié la montée de l’antisémitisme qui a atteint de nouveaux sommets et a trahi tout ce que ses fondateurs défendaient. Et surtout, Israël a perdu son âme et pourrait ne jamais sortir de l’abîme.

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