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mai 30, 2017

La visite historique de Trump au Moyen-Orient : beaucoup de bruit pour rien

Hélas, la visite du président Donald Trump au Moyen-Orient n’a fait que confirmer mon scepticisme quant à son intérêt. Le président américain s’est rendu là-bas sans rien à offrir pour apaiser le conflit israélo-palestinien et n’a obtenu aucun engagement de la part des dirigeants israéliens ou palestiniens afin de reprendre véritablement les négociations de paix. Il n’a fait que recevoir de nombreuses platitudes et des gestes de bonne volonté ne voulant absolument rien dire.

Lors de sa réunion avec le roi Salmane d’Arabie saoudite et les autres dirigeants des États arabes, Trump a bien entendu les paroles hostiles de ces derniers vis-à-vis de la menace iranienne et a mêlé sa voix à la leur sans proposer d’idée spécifique quant à la manière dont il pourrait faire face à l’Iran dans son soutien de groupes extrémistes violents et dans ses ambitions hégémoniques.

En revanche, les séances photo se sont succédé. Les hauts responsables arabes et israéliens ont tous voulu poser avec ce président assailli qui a profité du moment, s’est délecté de ces accolades et a fait de son mieux pour ne pas penser aux gros nuages noirs qui l’attendraient lors de son retour au pays.

Ceci dit, il ne fait aucun doute que les États-Unis demeurent une puissance indispensable au Moyen-Orient ; presque tous les États de la région dépendent énormément de leur protection et de leur soutien politique. Cette situation ne signifie pas que les États-Unis possèdent une baguette magique qu’il leur suffit d’agiter pour modifier du jour au lendemain la dynamique de multiples conflits qui déchirent et ravagent la région. Aucun des prédécesseurs de Donald Trump n’a eu un tel pouvoir, et ce dernier en a encore moins.

Au cours de ses réunions avec les hauts responsables d’Arabie saoudite, Trump n’a évoqué ni les violations flagrantes des droits de l’homme dont ils se rendent coupables ni l’extrémisme islamique wahhabite qu’ils n’ont de cesse de promouvoir. Il s’est au contraire félicité de conclure un contrat d’armement de plus de 110 milliards de dollars, ressemblant davantage à un marchand de la mort plutôt qu’à un messager de la paix.

Quant aux relations entre Israël et les États arabes, Trump n’a proposé aucune piste pour aboutir à un accord de paix global. Il a déclaré que « le roi Salmane adorerait voir la paix entre Israël et les Palestiniens ».

Il est vrai que les États arabes souhaitent une paix entre Israéliens et Palestiniens fondée sur une solution à deux États, ainsi qu’une normalisation sous condition des relations avec Israël sur ce principe, formulé dans le cadre de l’initiative de paix arabe introduite par la Ligue arabe en 2002.

Quant au conflit israélo-palestinien, contrairement à ce qu’il affirmait avant son départ : « Il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de paix entre Israël et les Palestiniens, aucune », Trump semble s’être rendu compte que le problème est bien plus difficile à résoudre qu’il n’y paraît. Après avoir écouté les deux camps, il a confié avoir « toujours entendu que l’accord le plus difficile à conclure était probablement celui entre les Israéliens et les Palestiniens. »

Donald Trump n’a pris aucune initiative pour faire avancer le processus de paix israélo-palestinien, mais au grand dam de Nétanyahou et de ses partisans, il est revenu sur sa promesse de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et a demandé au Premier ministre israélien de ralentir la construction et l’expansion de ses colonies. Décevant de nombreuses personnes, il a également refusé que les responsables israéliens l’accompagnent lors de sa visite historique au Mur des Lamentations.

Les déclarations du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui affirment tous deux être prêts et disposés à reprendre les négociations, sont passées, fatiguées et sans aucune importance. Les deux camps éprouvent ce sentiment depuis tant d’années, si bien que tout ce que Trump pourrait dire ou faire ne changera sans doute pas la position d’Abbas ni celle de Nétanyahou.

Le Premier ministre israélien n’est pas favorable à une solution à deux États, et Abbas ne fera aucune concession s’il veut garder sa place (et rester en vie). Trump aurait pu les mettre tous deux au défi de prendre des mesures pour démontrer leur attachement à la cause de la paix et créer des conditions favorables à des négociations sérieuses ; il n’a même pas essayé.

Trump aurait notamment pu demander à Nétanyahou de libérer des prisonniers palestiniens, d’augmenter la liberté de mouvement des Palestiniens et d’ouvrir la porte à un tourisme mutuel. Il aurait également pu faire pression sur Abbas pour qu’il cesse les incitations publiques à la haine, les discours publics hostiles et qu’il arrête d’apporter une aide financière aux familles des terroristes.

Trump désire la signature d’un accord, et pourtant, il a désigné son beau-fils Jared Kushner et Jason Greenblatt, avocat de la Trump Organization, soit deux novices qui en savent encore moins que lui sur la complexité de ce conflit, pour trouver la solution qui a échappé à ses prédécesseurs.

Bien qu’il faille à tout prix mettre un terme au conflit israélo-palestinien, la menace iranienne est plus urgente que jamais pour Israël et les États arabes. Les deux camps ont depuis longtemps conclu que l’Iran était leur ennemi commun et qu’il représentait un véritable danger pour leur sécurité nationale. À leur sens, même si l’accord iranien a permis de retarder la poursuite de son programme d’armement nucléaire, Téhéran n’a pas abandonné l’idée de devenir une puissance nucléaire.

Trump n’a rien évoqué de nouveau à propos de la menace iranienne : « Il y a une prise de conscience croissante parmi vos voisins arabes qu’ils ont une cause commune avec vous dans la menace posée par l’Iran. »

Il ne fait aucun doute que Téhéran cherche délibérément à déstabiliser la région en soutenant des organisations terroristes et en se mêlant des affaires intérieures de certains pays arabes (Syrie, Liban et Yémen) afin de servir son ambition hégémonique. Israël et les États arabes collaborent stratégiquement depuis plusieurs années en échangeant des renseignements et en renforçant leur coopération sécuritaire clandestine pour empêcher l’Iran d’atteindre ses objectifs régionaux.

Trump s’est contenté de fanfaronner et de promettre de ne jamais laisser l’Iran obtenir l’arme nucléaire. Il n’a proposé aucune mesure concrète quant à la manière d’éliminer cette menace. Il a préféré encourager les États arabes sunnites pour qu’ils s’allient contre l’Iran chiite, une alliance qui ne fera qu’exacerber les tensions entre les deux camps et déstabilisera davantage la région, déjà en plein bouleversement.

Trump ignore une réalité fondamentale : malgré ses méfaits et ses transgressions, l’Iran ne disparaîtra pas. Téhéran respecte l’ensemble des dispositions de l’accord nucléaire et les Iraniens ont voté pour reconduire le modéré Hassan Roohani à la présidence. Ce dernier a déclaré à plusieurs reprises qu’il souhaitait améliorer les relations de l’Iran avec les États-Unis et les États arabes.

Et pourtant, Trump a annoncé aux dirigeants sunnites : « Jusqu’à ce que le régime iranien soit disposé à être un partenaire pour la paix, toutes les nations ayant une conscience doivent ensemble œuvrer dans le but d’isoler l’Iran, de priver ce pays des fonds qu’il consacre au financement du terrorisme et de prier qu’advienne le jour où le peuple iranien aura le gouvernement juste et droit qu’il mérite tant. »

En effet, malgré la vive opposition des Israéliens et des États arabes face à l’accord iranien, Trump ne l’a pas annulé comme il l’avait promis lors de sa campagne pour la présidence, et son administration continue de respecter pleinement les exigences prévues en levant les sanctions comme le stipule l’accord.

La sagesse voudrait que les États-Unis s’appuient sur cet accord et travaillent avec l’Iran pour mettre un terme à la guerre civile épouvantable qui sévit en Syrie ainsi qu’à l’absurde guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie saoudite qui se déroule actuellement au Yémen et en Irak. Aucun des deux camps n’en sortira vainqueur.

La visite du président Donald Trump au Moyen-Orient s’est révélée pleine d’opulence et de symbolisme, mais dénuée de substance. La recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien est au point mort. Les États arabes refusent toujours de normaliser leurs relations avec Israël avant de résoudre le conflit israélo-palestinien, et rien aujourd’hui ne garantit que les États-Unis durcissent leur rapport avec l’Iran.

Cette visite a uniquement permis à Trump de s’éloigner quelque temps de l’agitation politique qui règne aux États-Unis. Ce séjour a finalement fait beaucoup de bruit pour rien.

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