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mars 8, 2022

Le réveil brutal des États-Unis et de leurs alliés

L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a surpris personne et a clairement fait apparaître les faiblesses de l’Occident au grand jour. Quelle leçon les États-Unis et leurs alliés devraient-ils en tirer et quelles mesures doivent-ils maintenant prendre pour empêcher Vladimir Poutine ou n’importe quel autre autocrate russe impitoyable d’oser envahir un autre pays ?

Devant les événements tragiques qui se déroulent en Ukraine, le nombre de morts qui ne cesse d’augmenter et la vague de destruction qui s’abat sur ces villes et ce peuple innocent, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes et admettre que nous – les États-Unis et nos alliés européens – avons permis à Poutine de déclarer cette guerre, sans aucune provocation ni aucune justification. Depuis la chute de l’Union soviétique en 1991, nous avons fondamentalement tenu pour acquis le nouvel ordre mondial qui avait émergé, persuadés que l’Union soviétique appartenait au passé et que l’ambition de Vladimir Poutine de ressusciter l’empire russe n’était rien d’autre qu’une attitude. Nous avons réagi à ses campagnes militaires en Géorgie et à son annexion de la Crimée en imposant des sanctions guère paralysantes. Pendant tout ce temps, nous n’avons cessé de dévoiler nos vulnérabilités, que Vladimir Poutine a soigneusement et diligemment étudiées, se préparant au spectacle auquel nous assistons aujourd’hui avec beaucoup d’inquiétude, mais aussi avec une grande lâcheté morale.

Pour comprendre l’ampleur du danger que Vladimir Poutine représente pour l’ordre mondial, il suffit de citer l’ambassadrice américaine des États-Unis à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, qui s’est exprimée en ces termes : « le président Poutine a affirmé que la Russie aujourd’hui a un droit légitime sur tous les territoires – tous les territoires de l’époque de l’empire russe, le même empire russe qui existait avant l’Union soviétique, il y a plus de 100 ans », ce qui comprend l’Ukraine, la Finlande, le Bélarus, la Géorgie, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et des parties de la Pologne et de la Turquie. Le département d’État américain a ensuite déclaré : « Ces pays sont souverains. Ils sont indépendants. Ils ne font pas partie de la Russie. Vous [Vladimir Poutine] n’avez aucun droit sur eux », montrant ainsi combien le président russe est dangereux et incontrôlable. En vue d’appréhender cette réalité sans précédent, l’Occident doit se regrouper sous l’égide des Américains et ne ménager aucun effort pour arrêter Poutine dans son élan et se préparer à prendre toutes les mesures nécessaires pour y parvenir.

Il existe cinq domaines que nous avons cruellement négligés et que nous avons laissés se détériorer. Il nous faut maintenant réagir au plus vite si nous voulons éviter une autre catastrophe et rétablir la stabilité et la paix en Europe.

Apporter une aide militaire aux États non membres de l’OTAN
L’administration Biden savait, de source sûre, depuis plusieurs mois, que Vladimir Poutine prévoyait d’envahir l’Ukraine et a communiqué ces informations à ses alliés, mais elle n’a envoyé aucune arme défensive ou offensive à l’armée ukrainienne à l’avance. Pire encore, plusieurs semaines avant l’invasion, Biden a publiquement déclaré que les États-Unis n’avaient nullement l’intention d’intervenir militairement au nom de l’Ukraine, envoyant précisément un mauvais message à Poutine, à savoir qu’il ne devait pas redouter une intervention de l’OTAN. Qui plus est, les États membres de l’OTAN ont attendu que l’invasion se produise pour se décider à expédier des équipements de manière précipitée. S’ils s’y étaient pris plus tôt, ils auraient montré à Poutine que l’Occident se tenait fermement aux côtés de l’Ukraine.

Contrairement aux États membres de l’OTAN qui jouissent d’une sécurité collective, de nombreuses démocraties non membres de l’OTAN, dont la Finlande, la Suède, la Géorgie, la Bosnie-Herzégovine et l’Ukraine elle-même, ne bénéficient pas de la même protection en matière de sécurité. L’OTAN ne pouvait donc pas intervenir sur le plan militaire pour arrêter les forces d’invasion russes. De plus, ces États ne disposent pas des « garanties de sécurité » que les États-Unis assurent à des pays comme Israël, la Corée du Sud et le Japon, même si les États-Unis ont conclu une sorte de pacte de défense avec 69 pays, principalement par l’intermédiaire de l’OTAN et l’Organisation des États américains (OEA).

Il est temps que les États-Unis et leurs alliés apportent une aide militaire importante à ces pays au lieu d’attendre la prochaine invasion russe. L’OTAN devrait, par ailleurs, accélérer le traitement des demandes d’adhésion des États qui souhaitent rejoindre ses rangs. En renforçant leurs appareils militaires et leur niveau de préparation, ils forceront Poutine ou tout autre despote russe à réfléchir à deux fois avant d’oser envahir l’un de ces pays.

Doubler le budget alloué à la défense des membres de l’OTAN
Alors que les membres européens de l’OTAN se chamaillaient au sujet de leurs dépenses militaires, qui doivent représenter deux pour cent du PIB de chaque membre, ils continuaient de compter sur les États-Unis pour assumer la majeure partie de la charge financière de leur sécurité. Pendant ce temps, Poutine s’affairait à bâtir l’une des plus formidables machines militaires des temps modernes, qu’il a étalée au grand jour lorsqu’il a envahi l’Ukraine.

Il est temps de se réveiller. Les membres de l’OTAN doivent, à tout le moins, doubler leur contribution militaire de deux à quatre pour cent afin de veiller à ce que, aux côtés des États-Unis, les défenses militaires conventionnelles et les capacités offensives de l’OTAN soient considérables, à un point tel qu’aucun dirigeant russe ne puisse jamais prétendre les défier en toute impunité. En outre, il est dans l’intérêt géostratégique de l’OTAN d’intégrer d’autres pays d’Europe, notamment la Géorgie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, qui souhaitent rejoindre les rangs de l’Alliance depuis longtemps.

Renouer de bonnes relations avec la Chine
Pendant que les États-Unis se disputaient avec la Chine au sujet de ses pratiques commerciales, de Taïwan et de ses violations de droits humains, Poutine consacrait beaucoup de temps et d’énergie à tisser des liens étroits avec le dirigeant chinois Xi Jinping, tout en renforçant la coopération commerciale et militaire entre leurs deux pays. Ces deux dirigeants veulent limiter la sphère d’influence des États-Unis en Europe et en Asie, et malgré les propos qu’ils ont tenus lors des Jeux olympiques d’hiver, selon lesquels il n’y a « aucune limite » à la croissance de leurs relations bilatérales, les États-Unis peuvent et doivent créer un décalage entre eux.

L’administration Biden doit aujourd’hui redéfinir attentivement sa politique à l’égard de la Chine. En dépit des profondes divergences qui séparent les États-Unis de la Chine, il est temps de renouer de bonnes relations entre ces deux pays. Cette démarche est nécessaire, non seulement parce qu’elle est dans l’intérêt des États-Unis, mais aussi parce qu’elle permettra aux Chinois de se rendre compte que les relations bilatérales sino-russes sont limitées et que les États-Unis demeurent un partenaire commercial indispensable. Les intérêts commerciaux de la Chine avec les États-Unis sont capitaux pour son économie, sans oublier que plus d’un billion de dollars de fonds de réserve de la Chine sont détenus en titres du Trésor américain, et non dans les banques russes.

De plus, les États-Unis et la Chine se rejoignent lorsqu’il s’agit de respecter la souveraineté et l’indépendance d’autres pays (même si les Chinois font preuve de beaucoup plus de rigueur en ce qui concerne leur philosophie de non-ingérence) et, même si la Chine n’a pas dénoncé publiquement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle a certainement fait part de son mécontentement à Moscou.

L’administration Biden devrait entamer de nouvelles discussions approfondies avec le gouvernement chinois sur toutes leurs divergences et suivre l’approche de négociation de Kissinger à l’égard de la Chine en dissociant leurs débats de leurs différends conflictuels. Même si les violations de droits humains commises par la Chine sont, ô combien, flagrantes, les États-Unis devraient évoquer ces sujets épineux en privé, tant que cela permet d’atteindre le même objectif. La Chine s’oppose à tous les pays qui interviennent dans ses affaires nationales et n’aime pas laver son linge sale en public dès lors qu’elle accepte d’engager de telles discussions. Néanmoins, si les pressions exercées en privé ne fonctionnent pas, surtout pour mettre fin aux violations flagrantes de la Chine, notamment le génocide auquel elle se livre, il convient de reprendre les pressions publiques.

Promouvoir la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU
Bien que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait été créé dans le but de maintenir la paix et la sécurité dans le monde, il a depuis longtemps perdu de son utilité. Le droit de veto accordé aux cinq membres permanents – les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, la France et la Russie – a souvent été utilisé par l’un ou l’autre de ces pays dans le sens de leurs intérêts, même si cela n’était pas cohérent avec l’objectif du maintien de la paix et de la sécurité.

Au cours d’une session d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies, alors que la Russie envahissait l’Ukraine, l’ambassadeur russe a eu l’audace de déclarer, à tort et sans aucun fondement, que la Russie se contentait d’envoyer des troupes de maintien de la paix dans l’est du pays afin d’empêcher l’armée ukrainienne de commettre un « génocide » contre les habitants de Donetsk et de Lougansk. Lors de cette session, nous avons assisté à des discours extrêmement percutants et émouvants, surtout de la part de l’ambassadeur d’Irlande, mais c’est à peu près tout ce que le Conseil de sécurité des Nations Unies a pu faire. C’est tragique et regrettable, mais cet organe n’est maintenant rien de plus qu’un forum de discussion. En fait, il n’y a pas d’exemple plus frappant de l’inutilité du Conseil de sécurité des Nations Unies que ce débat du 24 février.

Il est indispensable aujourd’hui de réformer cet organe en tenant compte de l’évolution de la réalité géostratégique et démographique et de ses répercussions sur l’ordre mondial. Ces réformes sont essentielles pour que le Conseil de sécurité des Nations Unies s’en tienne à son principe fondateur de maintenir la paix et la sécurité dans le monde. Elles doivent prévoir des mécanismes politiques et de sanctions exécutoires afin d’empêcher à l’avenir la Russie ou toute autre puissance d’envahir impudemment et sans provocation une nation souveraine. N’est-il pas complètement absurde que la Russie, qui a envahi la nation démocratique souveraine de l’Ukraine et qui s’est livrée à des crimes de guerre, puisse encore exercer son droit de veto contre toute résolution condamnant ses propres agissements, et ce sans aucune répercussion ?

Certes, il sera extrêmement difficile d’entreprendre des réformes globales des Nations Unies et ce processus risque de prendre plusieurs années, mais cette démarche doit s’amorcer dès maintenant et l’accent doit être mis sur la réforme du Conseil de sécurité en premier lieu, afin d’empêcher un seul pays et, au demeurant, un despote impitoyable, de changer l’ordre mondial. Malgré l’opposition marquée des États membres du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, Vladimir Poutine a poursuivi son invasion de l’Ukraine, en sachant très bien qu’il pouvait violer de façon éhontée la Charte des Nations Unies, et ce en toute impunité.

Renforcer la démocratie américaine
Alors que nous nous accoutumions au comportement scandaleux de Poutine, le couperet s’est abattu sur la démocratie américaine à cause de Trump et de ses partisans républicains aveugles. Donald Trump n’a ménagé aucun effort pour diviser le pays au plus haut point, agissant à la solde de Poutine à la Maison-Blanche afin de piétiner les institutions démocratiques des États-Unis. Notre démocratie s’est fragilisée et est en train de disparaître, et c’est exactement l’ouverture que Vladimir Poutine espérait et qu’il était prêt à exploiter – et c’est ce qu’il a fait.

C’est maintenant qu’il faut agir. L’administration Biden n’a jamais eu une meilleure occasion de renforcer les institutions démocratiques des États-Unis, en ne négligeant aucun effort pour se tourner vers les républicains un tant soit peu intègres afin de commencer le processus de guérison. Hélas, trop de pseudo-républicains suivent Trump et sont prêts à sacrifier la démocratie des États-Unis sur l’autel de son ego tordu. À n’en pas douter, les serviles partisans de Donald Trump sont un vrai poison pour notre république et le baiser de la mort pour nos institutions démocratiques. Chacun d’entre eux doit se regarder dans un miroir et se poser la question suivante : quelles sont les causes que je défends ? Est-ce que je défends l’unité, notre démocratie qui existe depuis 240 ans et ce qui est juste et moral ou est-ce que je défends une autocratie dirigée par un crétin tel quel Trump qui considère qu’une crapule dangereuse et malhonnête comme Poutine, qui commet des crimes de guerre au vu et au su de tous, est un « génie » ?

La force de l’Amérique réside là où elle a toujours résidé – dans la liberté, l’égalité, les droits humains et, surtout, dans le véritable patriotisme et dans l’unité, la nation devant toujours passer en premier, avant n’importe quel parti politique ou les intérêts de n’importe quel individu. Poutine a défié l’Occident et a fait l’unanimité dans nos rangs. Nous devons maintenant tirer parti de cet élan et envoyer un message fort, sans équivoque, à Poutine : vous avez fait une terrible erreur en envahissant l’Ukraine et vous en payerez le prix. Nous veillerons à ce que les crimes de guerre que vous avez commis contre le peuple ukrainien marquent le début de la fin de votre ère et de votre règne de terreur.

Je salue le courage des Ukrainiens, je salue le président Volodymyr Zelensky pour son leadership exemplaire, son courage remarquable et sa grande moralité et je pleure les Ukrainiens qui se sont battus et sont morts avec héroïsme et bravoure pour défendre leur pays et leur liberté.

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