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septembre 19, 2016

Les colonies de peuplement: un piège auto-généré aux proportions existentielles

La colonisation continue d’Israël, qu’elle passe par l’approbation rétroactive des avant-postes “non-autorisés” ou la planification de nouveaux logements, comme cela vient d’être récemment annoncé, constitue une nouvelle entrave au processus de paix. Les colonies de peuplement ne sont rien de moins que le piège qu’Israël s’est posé à lui-même, compromettant son existence même. Le Ministre Netanyahu et ses partenaires de coalition, cependant, ne sont pas préoccupés par les éventuelles conséquences désastreuses de la colonisation. Ils placent la sainteté du territoire au-dessus de toute autre considération, et envisagent la colonisation comme un prérequis à la réappropriation de l’intégralité de la “terre d’Israël”.

Les critiques et les condamnations de la communauté internationale ne dissuadent en rien Netanyahu. Il soutient que la construction de nouveaux logements se fait principalement au sein de colonies qui feront par la suite partie de l’accord statutaire final en contrepartie de l’échange de territoires, comme s’il avait le droit de décider unilatéralement quelles colonies seront intégrées au sein d’Israël sans accord avec les Palestiniens.

Dans la manière dont il conçoit les choses, Israël construit des colonies depuis près de cinq décennies, et malgré cela, n’a pas eu à subir de conséquences dommageables, en dépit du rejet de la colonisation du peuplement par la communauté internationale. Pourquoi devrait-il s’en soucier maintenant, alors que la communauté internationale est préoccupée par tant d’autres conflits au Moyen-Orient, et qu’il est improbable qu’elle prenne des mesures punitives contre Israël, si ce n’est exprimer son habituelle indignation?

Netanyahu est encore moins préoccupé par la revendication des Palestiniens selon laquelle l’annexion progressive de leur territoire est à l’origine d’un état de fait irréversible sur le terrain, état de fait qui refuserait l’existence de leur propre État, dans le cadre de la solution à deux États.

Netanyahu réfute cet argument en répétant qu’Israël est préparé à entamer les négociations de façon inconditionnelle, et que les colonies de peuplement ne représentent aucunement un obstacle à la paix. En même temps, cependant, il a déclaré publiquement, et à plusieurs reprises, que les Juifs avaient un droit historique inaliénable sur l’intégralité de la “terre d’Israël”, et en particulier sur la Cisjordanie. De ce fait, Israël n’est pas une puissance occupante et dispose du droit inhérent à établir des colonies de peuplement sur n’importe quelle partie de sa terre historique.

Netanyahu n’est également pas gêné non plus par la réaction des États arabes, notamment de l’Arabie Saoudite et des autres États du Golfe, car en apparence, la colonisation les met sur la défensive, précisément au moment où ils sont en train de se rapprocher d’Israël.

Ce n’est pas le cas, insiste Netanyahu. Les États arabes sont davantage concernés par la radicalisation islamiste, et en particulier, par la potentielle menace nucléaire iranienne. En effet, il affirme que les États arabes souhaitent une coopération avec Israël en dépit de l’expansion actuelle des colonies. Ils partagent une cause commune avec Israël et sont focalisés sur leurs propres problèmes, ne voyant les Palestiniens uniquement comme un fardeau supplémentaire.

Le message de Netanyahu aux Israéliens, notamment aux colons, est que la construction des avant-postes illégaux sera légalisée rétroactivement, signalant par là même qu’ils peuvent continuer cette pratique impunément.

Il faut le culot bien connu de Netanyahu pour appeler à la démolition de villages palestiniens tels que Susiya et d’autres logements construits sur leur propre terre et, en même temps, légaliser rétroactivement des colonies de peuplement juives illégales sur un territoire palestinien qui avait été exproprié par Israël. Ceci n’est rien d’autre qu’une parodie.

Quel message cela envoie-t-il à la communauté internationale, et comment cela se concilie-t-il avec la supposée moralité d’Israël au sein de la communauté des nations? Cela ne semble le gêner nullement.

Netanyahu rejette l’idée que sa politique pourrait conduire par inadvertance à un État unique, car Israël sera alors confronté à deux choix: premièrement, maintenir sa forme démocratique de gouvernement en autorisant la pleine nationalité aux Palestiniens, mais ce faisant, perdre sa majorité juive et son identité nationale en tant qu’État juif; deuxièmement, refuser la citoyenneté aux Palestiniens, faisant de facto d’Israël un État d’apartheid, vilipendé et potentiellement sanctionné par la communauté internationale.

Ceci, cependant, n’est pas la façon dont Netanyahu et sa bande voient les choses. Pour eux, installer un million de juifs en Israël va effectivement créer des faits irréversibles sur le terrain, mais ceci est précisément ce qu’ils veulent accomplir, car cela ne se traduirait pas par l’accès pour les Palestiniens à la citoyenneté israélienne et à l’égalité en droits politiques.

Ce que Netanyahu a en tête est l’établissement des Palestiniens dans leurs propres cantons à Ramallah, Bethléem, Jénine, Jéricho, et dans d’autres villes, se gouvernant eux-mêmes comme ils le souhaitent pourvu qu’ils acceptent leur parcelle silencieusement pendant qu’Israël maintient un parfait contrôle en Cisjordanie.

Ce faisant, Israël gardera indéfiniment la Cisjordanie sous son contrôle, gérant le conflit quotidiennement et fera face à la violence palestinienne lorsqu’elle éclatera. Pour lui, un État sous tension constante est préférable à l’abandon du territoire.

Netanyahu, cependant, est totalement aveuglé par sa mission messianique, excluant la possibilité que les Palestiniens se rebellent tôt ou tard, dans la mesure où ils sont prêts à mourir, ayant peu à perdre.

Dans son éclairant nouvel ouvrage, Le Suicide des Juifs (une lecture indispensable), le futuriste Tsvi Bisk décrit comment diverses branches Sionistes ont rationalisé l’occupation et l’annexion finale de tout le territoire palestinien car ils croient véritablement “qu’un compromis sur la question du territoire ne va pas seulement mettre en danger la rédemption juive, mais, également, la rédemption de l’humanité tout entière… Pour les sionistes religieux, la fidélité à la terre est une directive divine, et le fait même de diviser le territoire avec un autre peuple est sacrilège.”

Netanyahu est un otage consentant des partenaires de la coalition qu’il a assemblée, et qui inclut de fervents supporteurs des colonies de peuplement, tels que le ministre de l’Éducation Naftali Bennett et le minitre de la Défense Avigdor Lieberman.

Faites-lui confiance pour utiliser son gouvernement de coalition dans l’optique dede lui fournir une parfaite excuse pour continuer sa politique. Malheureusement, il court à la catastrophe en plaçant le territoire au-dessus de la sécurité nationale d’Israël, sinon sa propre existence.

Des sondages répétés suggèrent fortement qu’une vaste majorité d’Israéliens et de Palestiniens veulent cesser leur conflit sur la base d’une solution à deux États.

Tant que les partis politiques d’opposition seront incapables de s’unir autour d’un cadre politique précis et cohérent basé sur l’Initiative de Paix Arabe pour résoudre le conflit israélo-palestinien, et il se pourrait bien que le Likoud forme le prochain gouvernement en 2019.

De même, tant que les Palestiniens demeurent divisés, avec beaucoup de leurs leaders trempant dans la corruption, ils joueront le jeu de Netanyahu. Ce sont eux, plus que quiconque, qui vont détruire leur espoir même de création d’un État.

Pour sûr, à moins que les partis d’opposition d’Israël ne se réunissent et créent un mouvement populaire pour la paix et que les Palestiniens ne gèrent leurs affaires politiques et négocient avec Israël d’une seule voix, il pourrait bien être bientôt trop tard pour les sauver tous les deux de leurs blessures mortelles, blessures qu’ils se sont infligés eux-mêmes.

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