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juin 30, 2020

Portrait d’un dictateur impitoyable

La Turquie est un pays dont le potentiel est illimité et qui détient de vastes ressources humaines et naturelles ainsi que des richesses culturelles qui pourraient rivaliser avec n’importe quel pays développé dans presque tous les domaines de vie. Hélas, le président turc Recep Tayyip Erdogan dilapide toutes ces ressources en faisant passer son ambition aveugle et ses intérêts personnels avant ceux de son pays. L’héritage qu’il laissera derrière lui sera celui d’un homme qui s’est égaré et dont le pays s’est écroulé dans son sillage. Erdogan ne trouvera, dans son héritage, qu’une population traumatisée, une condamnation de la communauté internationale et un sentiment de honte. Recep Tayyip Erdogan a commis de graves violations de droits humains, il a trahi les amis et les alliés de la Turquie, il a souillé l’islam pour promouvoir ses dessins pervers, il s’est lancé dans de coûteuses péripéties à l’étranger, il a dépensé une fortune pour acquérir de l’influence dans d’autres pays, il s’est associé à des adversaires de l’OTAN et il n’a jamais interrompu sa quête incessante de pouvoir.

Coupable de graves violations de droits humains

On pourrait difficilement exagérer le goût de Recep Tayyip Erdogan pour les violations flagrantes de droits humains. Il s’est servi de la tentative de coup d’État pour se déchaîner contre ses ennemis politiques : 600 000 personnes ont ainsi fait l’objet d’enquêtes. Plusieurs milliers d’entre elles croupissent encore dans des prisons sans aucune inculpation. Erdogan a fait emprisonner près de 100 000 citoyens innocents sur de fausses accusations et licencié 150 000 personnes, en les accusant à tort d’appartenir au mouvement Gülen.

Le président turc a révoqué 4 000 juges et procureurs et les a remplacés par des laquais pour accomplir ses quatre volontés. Il a persécuté des centaines d’universitaires, les accusant à tort de diffuser une propagande militante. Il a incarcéré 165 journalistes qui avaient tout simplement rapporté la vérité, discriminé des minorités, freiné les médias sociaux et utilisé le coronavirus comme excuse pour édicter des règles draconiennes en vue d’étouffer l’opposition.

Une lutte acharnée contre de soi-disant ennemis intérieurs

Erdogan a divisé le pays entre le CHP, parti d’opposition libérale, et l’AKP, parti islamiste conservateur, en repoussant les municipalités dirigées par le CHP dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus. Il a interdit la distribution de pain, même aux plus démunis, de crainte que plusieurs maires de l’opposition acquièrent une plus grande popularité que son gouvernement.

Erdogan considère la communauté kurde (qui représente près de 15 % de la population turque) comme une menace politique. Il est persuadé que les Kurdes veulent leur indépendance et il s’efforce perfidement de les éliminer. Au lieu de trouver une solution au conflit qui oppose la Turquie au PKK depuis cinquante ans, il a brusquement rompu les négociations en novembre 2015, ce qui n’a fait qu’exacerber les violences. Il a juré de tuer les combattants du PKK jusqu’au dernier, mais il oublie que ces guerriers se sont soulevés plusieurs dizaines d’années avant son arrivée au pouvoir et qu’ils lui survivront pendant des décennies après son départ.

Coupable de trahison vis-à-vis de l’OTAN

Erdogan semble croire qu’il est un membre indispensable de l’OTAN parce que la Turquie est la deuxième puissance militaire permanente cette organisation, mais il ne se rend pas compte que la force de cette alliance réside dans sa cohésion et ses objectifs communs. Il a enfreint l’un des principes fondamentaux de l’OTAN – sa « fond[ation] sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit », des principes qu’il a effrontément bafoués dans son pays.

Il a mis en péril la technologie de défense aérienne de l’alliance en achetant le système russe de missiles S-400 et a refusé de soutenir un plan de défense pour la Pologne et les pays baltes à moins que l’OTAN n’accorde son soutien politique à la Turquie dans sa lutte contre les Unités de protection du peuple (YPG). Il menace de laisser passer des millions de réfugiés syriens si l’UE ne lui verse pas de « rançon ». Pour finir, il travaille en étroite collaboration avec l’Iran, avec lequel il a signé un accord de coopération religieuse en décembre 2019 et continue d’intensifier ses échanges commerciaux, au mépris des sanctions américaines.

De coûteuses péripéties à l’étranger

Le fait d’être à court d’argent ne semble pas perturber les aventures d’Erdogan à l’étranger. Depuis le mois de janvier, il a déployé plus de 3 000 rebelles syriens en Libye. Il a envahi la Syrie dans son combat sans relâche contre les Kurdes syriens afin de les empêcher de créer un régime autonome et, grâce à cette incursion, il a réalisé le rêve qu’il caressait depuis longtemps de s’implanter de façon permanente en Syrie.

Erdogan a mis sur pied une base militaire au Qatar réunissant 5 000 soldats turcs, une base qu’il qualifie de « symbole de fraternité ». Il a loué une île située dans la mer Rouge au Soudan, soi-disant pour le tourisme, mais en réalité pour y construire des installations militaires à proximité de l’Arabie saoudite, qu’il considère comme son plus grand rival religieux dans la course au leadership de la communauté sunnite mondiale.

Coupable d’achat d’influence à l’étranger

Les investissements et l’aide financière de la Turquie dans les pays des Balkans ainsi que le développement des échanges entre la Turquie et les pays des Balkans ont tous pour objet d’accroître l’influence d’Erdogan. Plusieurs sociétés turques de construction sont en train de construire et d’exploiter 20 centrales électriques en Serbie. La première compagnie aérienne nationale d’Albanie est une initiative conjointe de Turkish Airlines et du gouvernement albanais. Près de 500 sociétés turques exercent des activités au Kosovo, pour une valeur totale d’environ 340 millions d’euros.

L’Agence turque de coopération et de développement (TIKA) a rénové des centaines de sites historiques au Kosovo, tout en construisant l’aéroport international et le réseau de distribution d’énergie de Pristina. Erdogan a promis à la Bosnie que la Turquie investirait 3 milliards d’euros dans la construction de l’autoroute reliant Belgrade et Sarajevo, en invitant des sociétés turques à accroître leurs investissements dans les Balkans pour que ces pays dépendent de plus en plus de la Turquie.

Coupable de détournement de l’islam pour mettre en avant ses dessins pervers

Erdogan se sert magistralement de la religion comme d’un outil pour concrétiser ses intentions islamiques diaboliques. Il invoque le nom de Dieu pour sanctifier n’importe quel programme qu’il décide de promouvoir et investit massivement dans la construction de mosquées et d’établissements religieux aux quatre coins des Balkans. Il a financé l’édification d’une multitude de mosquées, notamment de la grande mosquée de Tirana au prix de 30 millions de dollars. Il s’agit de la plus grande mosquée des Balkans. Le « cadeau » d’Erdogan au Kosovo a été de bâtir une énorme mosquée de style ottoman au cœur de Pristina. Parallèlement, il forme et dépêche des imams pour chanter les louanges de son « magistère » dans leurs sermons, et entretient des relations étroites avec des partis religieux en vue de renforcer son influence.

Il se sert sans scrupule de sa soi-disant « piété » de musulman dévoué, guidé par des vertus islamiques et soucieux du bien-être de ses concitoyens. En réalité, Erdogan est corrompu jusqu’à la moelle, il intimide et menace inexorablement ses rivaux politiques, et il est déterminé à raviver des éléments de l’Empire ottoman en poursuivant sans relâche son ambition de faire de la Turquie la puissance hégémonique de cette région du monde.

En conclusion, l’ONU et l’ensemble des organisations de défense des droits humains devraient tirer la sonnette d’alarme au sujet des violations flagrantes de droits humains commises par Erdogan, exiger des comptes de sa part et l’avertir qu’il subira de lourdes conséquences, y compris des sanctions, s’il ne met pas un terme à ces atteintes grotesques.

Les démocraties occidentales doivent insister pour qu’Erdogan reprenne les négociations avec le PKK et mette fin au conflit sanglant qui oppose la Turquie au PKK depuis cinquante ans, et qu’il permette aux Kurdes de Turquie de jouir de leur propre culture en toute liberté et égalité ; faute de quoi, ils ne reconnaîtront plus le PKK comme organisation terroriste.

L’OTAN doit aviser Erdogan que sa violation de la Charte des Nations Unies et sa collaboration avec la Russie, qui s’efforce d’affaiblir l’OTAN, sont inacceptables et que l’alliance se distanciera de la Turquie, mettra fin au partage de renseignements et aux exercices militaires et envisagera son éviction de l’OTAN, s’il n’y met pas un terme.

Les pays où la Turquie a établi une présence militaire, notamment la Syrie, la Libye, le Soudan et le Qatar, doivent être conscients du fait que l’objectif premier d’Erdogan est de s’implanter de façon permanente dans ces pays et d’y exercer une influence indue dans le cadre de son aspiration à la suprématie.

Les pays ouverts aux investissements et aux développements économiques de la Turquie, comme les pays des Balkans, doivent savoir que ces investissements ne sont rien d’autre qu’un moyen pour Erdogan de les manipuler et de les attirer sur son orbite.

Les imams et autres responsables d’institutions islamiques doivent freiner Erdogan et l’empêcher de se mêler de leurs affaires. Les États des Balkans en particulier, où les ouvertures religieuses d’Erdogan sont constamment visibles, devraient se méfier de ses habiles manipulations religieuses.

Une chose est sûre, Erdogan a montré qu’il était prêt à tout – peu importe si c’est immoral – pour réaliser son sinistre objectif. Il ne se rend pas compte qu’il est mortel, que son règne aura inévitablement une fin déshonorante et que son empire imaginaire est déjà voué à disparaître avant même d’avoir vu le jour.

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