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mai 31, 2018

Pourquoi les États-Unis doivent renforcer leur présence militaire en Syrie et non ordonner le retrait de leurs forces

Début avril, Donald Trump a déclaré que les États-Unis devraient retirer leurs forces militaires de Syrie. Le secrétaire à la Défense James Mattis semble avoir persuadé le président américain de reporter ce plan d’au moins six mois, évoquant une nécessité stratégique, que je soutiens totalement. Mais j’irais plus loin encore. Les forces américaines doivent rester en Syrie, mais elles doivent également être renforcées pour donner de la crédibilité aux États-Unis en vue de trouver une solution permanente à la guerre qui ravage ce pays, garantissant la sécurité de leurs alliés et la stabilité de la région.

Nous devons examiner attentivement les avantages et les inconvénients de rester en Syrie ou de quitter le pays, d’autant plus que les troubles dans l’ensemble de cette région du monde sont susceptibles de s’intensifier plutôt que de se calmer au lendemain du retrait des États-Unis de l’accord iranien. Les raisons invoquées pour rester et augmenter l’effectif des forces américaines en Syrie sont multiples.

Premièrement, le retrait des forces américaines dans les six prochains mois – alors que l’Iran est sur le point d’établir plusieurs bases militaires permanentes en Syrie, équipées de missiles à moyenne et longue portée pouvant atteindre des cibles n’importe où en Israël – est le meilleur moyen de déclencher une guerre entre Israël et l’Iran. Bien que l’État juif ait déjà attaqué des installations militaires de l’Iran en Syrie et qu’il continuera de le faire, la présence et le renforcement de l’armée américaine donneront en soi du poids aux récentes demandes des États-Unis qui insistent pour que l’Iran quitte la Syrie et cesse de menacer l’existence de l’État hébreu en toute impunité.

Deuxièmement, que l’Iran continue ou non de respecter les modalités de l’accord nucléaire, le retrait des troupes américaines inciterait l’État iranien à déstabiliser davantage la région, à soutenir des groupes extrémistes et à accélérer son programme de missiles balistiques. La question est de savoir si l’Iran mettra un terme à ses activités pernicieuses et s’éloignera des piliers centraux de sa politique étrangère et de sécurité, notamment son implication en Syrie et au Yémen. Il ne fait aucun doute que la prolongation et le renforcement de la présence militaire des États-Unis en Syrie forceraient Téhéran à réfléchir à deux fois avant de s’incruster davantage dans le pays, craignant des représailles qu’elle ne peut pas prendre à la légère.

Troisièmement, depuis plusieurs décennies, la sécurité nationale de nos alliés dans la région (les États du Golfe, la Jordanie et Israël) dépend, à divers niveaux, de la protection des États-Unis. Certes, les États-Unis disposent d’une présence militaire et navale considérable en Méditerranée et dans le Golfe, mais une présence renforcée en Syrie, où se joue la véritable lutte pour le pouvoir entre les différentes puissances adverses de la région, est cruciale. Sans armée sur le territoire syrien, les États-Unis ne seront plus en position d’influencer l’évolution des événements après la défaite de l’État islamique. Il appartiendra à la Russie, à l’Iran et, dans une moindre mesure, à la Turquie de déterminer l’avenir de la Syrie, alors que les alliés des États-Unis dans la région seront affectés d’une manière ou d’une autre par la nature de toute décision.

Quatrièmement, la présence militaire continue des États-Unis et son renforcement empêcheront l’État islamique de refaire surface en Irak et en Syrie. Nul ne doit confondre la défaite de l’État islamique sur le champ de bataille avec sa durabilité idéologique. Daech est déjà apparu dans de nombreux pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Europe et demeure une menace pour les amis et alliés des États-Unis dans la région. La présence militaire des États-Unis sur le territoire syrien a des implications à la fois pratiques et symboliques que l’État islamique ne peut ignorer, compte tenu de son expérience du combat contre les forces américaines, qui a été le facteur le plus important dans sa défaite ultime.

Cinquièmement, rien ne dissuadera les principaux acteurs antagonistes en Syrie – le régime de Bachar el-Assad, la Russie, l’Iran et la Turquie – si ce n’est une solide présence militaire américaine. Ces pays comprennent mieux que quiconque le langage de la force. Je n’insinue pas que les États-Unis devraient se préparer à combattre l’une de ces puissances. La simple présence de l’armée américaine suffit à leur envoyer un message clair : les États-Unis comptent jouer un rôle de premier plan dans la quête d’une solution qui protégera leurs intérêts nationaux ainsi que ceux de leurs alliés.

Sixièmement, depuis l’avènement de l’administration Obama et aujourd’hui sous Donald Trump, les États-Unis, de par leur participation sans importance, ont clairement montré qu’ils n’avaient aucun intérêt géostratégique ou en matière de sûreté à s’engager complètement dans la guerre civile en Syrie. Ils se sont contentés de fournir une formation financière marginale et militaire limitée aux rebelles dans leur lutte contre le régime de Bachar el-Assad. Cette approche velléitaire n’était rien d’autre qu’un échec lamentable. L’absence de l’armée américaine en Syrie a marginalisé les États-Unis, tout en permettant à la Russie, à l’Iran et à la Turquie de mépriser l’aigle américain sans subir aucune conséquence.

La forte présence militaire des États-Unis en Syrie a permis à l’Iran de jouer un rôle majeur dans le pays et d’acquérir des terres continentales contiguës du Golfe à la Méditerranée ; elle a donné carte blanche à la Russie, faisant de l’ours russe l’arbitre ultime dans ce pays ; elle a encouragé la Turquie à conduire des incursions militaires massives en Syrie dans le but d’y établir une présence permanente ; et elle a fait naître de sérieux doutes quant à l’engagement des États-Unis envers la sécurité de ses alliés dans la région.

Cette pente glissante ne peut être inversée par le simple bombardement de quelques usines et entrepôts de produits chimiques de Bachar el-Assad, comme Trump l’a fait à deux reprises dans le passé après l’utilisation par Assad d’armes chimiques contre ses propres civils. Certes, la mise à mort de près de 4 000 Syriens au cours des sept dernières années au moyen d’armes chimiques est atroce et inacceptable. Mais qu’en est-il des 500 000 autres qui ont été massacrés sans aucune pitié par des armes conventionnelles ?

L’absence militaire des États-Unis a joué un rôle dans cette atrocité et aucune personne au fait de la dynamique du conflit, des jeux de pouvoir et de la volatilité persistante de la région ne peut suggérer le contraire. Même un bref examen des différents conflits faisant rage au Moyen-Orient indique que la stature des États-Unis est moins imposante et que nous sommes bien pires aujourd’hui que nous ne l’étions en 2003.

La guerre catastrophique en Irak a grandement déstabilisé la région et nous souffrons toujours de ses conséquences. Cette guerre a engendré un conflit acharné entre sunnites et chiites. À cause d’elle, l’Iran a eu l’occasion rêvée de s’incruster en Irak, puis en Syrie tout en jouant un rôle important dans la guerre civile au Yémen. Elle a galvanisé l’émergence de l’État islamique et plongé le Moyen-Orient dans une véritable tourmente dont la fin est loin d’être en vue.

Nous tirons des leçons de nos erreurs passées. Les États-Unis, indépendamment de leurs intérêts nationaux géostratégiques dans le monde, ne peuvent s’ingérer dans tous les conflits. Cela dit, ils ne doivent pas se laisser paralyser par des politiques malavisées adoptées par le passé. Les États-Unis ont l’obligation morale et pratique d’examiner attentivement chaque conflit et de déterminer ses ramifications à court et à long terme s’ils décident d’intervenir, et ce qui se produirait s’ils n’agissaient pas.

Les États-Unis ne peuvent pas influencer l’évolution de la situation en Syrie sans un soutien militaire fort et crédible capable de dissuader tout adversaire d’agir d’une manière jugée incompatible avec les intérêts des États-Unis et de leurs alliés. J’espère que le secrétaire à la Défense James Mattis, qui semble avoir clairement saisi la situation en Syrie, convaincra Donald Trump d’adopter cette approche et l’emportera.

Tant que les États-Unis resteront du bon côté de l’histoire et respecteront leurs obligations morales, ils reprendront leur rôle de chef de file mondial qui leur fait cruellement défaut.

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