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avril 24, 2017

Une stratégie de force associée à une solide diplomatie

Au lendemain de l’attaque au gaz sarin lancée par le président Bachar el-Assad sur ses propres citoyens, les frappes imprévisibles ordonnées par le président Trump sur la base aérienne syrienne d’Al-Chaayrat bouleversent toute la dynamique de la guerre civile en Syrie ainsi que son dénouement éventuel. Le président américain, avec cette intervention, a envoyé un message clair à Bachar el-Assad, ainsi qu’à la Russie et à l’Iran, fidèles partisans du président syrien. Il a également envoyé un signal fort à la Corée du Nord, déterminée à mettre les États-Unis à rude épreuve grâce à son programme de missiles. Cette salve unique a permis de rétablir un peu de la crédibilité mondiale que les États-Unis avaient perdue sous l’administration Obama. Par ailleurs, l’attaque du président Trump a imposé une nouvelle responsabilité aux États-Unis qui sont désormais tenus d’aller au bout des choses en adoptant une stratégie bien pensée s’ils veulent avoir de bonnes chances de mettre un terme à cette horrible guerre civile en Syrie et d’écarter la menace nord-coréenne.

Toute nouvelle stratégie doit avoir un but ultime clairement défini. Si l’objectif est de mettre fin à la guerre civile en Syrie, alors il convient de déterminer soigneusement le rôle et les exigences de l’ensemble des parties prenantes à cette guerre, sans lesquelles aucun accord durable ne peut être obtenu.

Il est certes extrêmement difficile de trouver une solution à ce conflit, mais maintenant que les États-Unis y sont directement mêlés, Trump n’a pas d’autre choix que d’essayer de le résoudre. Je soutiens que si toutes les parties concernées cherchent à résoudre ce conflit sous certaines conditions, l’administration Trump doit tenir compte de leurs besoins tout en suivant une stratégie fondée sur l’approche de Théodore Roosevelt en matière de politique étrangère : « parler doucement et tenir un gros bâton ».

Donald Trump doit tout d’abord exiger que cessent les massacres inconsidérés d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, comme il l’a déjà signalé. Bien que l’utilisation odieuse d’armes chimiques ne doive en aucun cas être tolérée, la mort de centaines de civils due à la famine et aux bombes barils n’en est pas moins condamnable. Le président Assad doit également savoir que s’il ne se plie pas à ces exigences, les États-Unis bombarderont de nouvelles cibles en Syrie, en particulier les pistes d’atterrissage, les hangars et les entrepôts de munitions.

La Russie et l’Iran, protecteurs de Bachar el-Assad, seront bien obligés de prendre cet avertissement au sérieux parce que, malgré leurs fanfaronnades publiques, aucun d’eux ne veut impliquer l’armée américaine, surtout maintenant que Donald Trump a montré qu’il était capable de prendre des mesures punitives pour arrêter ces tueries insensées et qu’il pouvait se montrer imprévisible quand il s’agissait de décider où et quand attaquer.

Dans la deuxième partie de sa stratégie, Trump doit tendre la main à tous les acteurs directement concernés par cette guerre et son issue – en particulier la Russie, l’Iran, Assad et les rebelles – afin d’entamer des négociations sérieuses dans l’objectif de mettre un terme à la guerre civile.

Les différents acteurs semblent s’accorder pour dire que l’État islamique doit être liquidé et qu’ils doivent coopérer pour atteindre cet objectif, mais la recherche d’une solution à cette guerre civile ne doit pas attendre la chute de l’EI. Les négociations devraient commencer immédiatement.

L’administration Trump reconnaît que la Russie est l’acteur le plus important, car elle a des intérêts stratégiques en Syrie depuis près de cinquante ans. La Russie possède une base navale à Tartous et elle insistera pour maintenir sa présence et son influence en Syrie.

De même, les ambitions hégémoniques de l’Iran sur la région laissent supposer que ce dernier ne renoncera en aucun cas à ses intérêts stratégiques du Golfe à la Méditerranée, sachant qu’il considère la Syrie comme un levier indispensable pour préserver son influence.

La Russie et l’Iran soutiendront Assad tant que celui-ci servira leurs intérêts. Pour cette raison, Trump ne peut hésiter ; il doit accepter le fait qu’Assad continuera de présider la Syrie pendant une période de transition, de trois à quatre ans peut-être.

Donald Trump et Vladimir Poutine peuvent œuvrer ensemble à l’établissement d’un gouvernement représentatif composé des principales classes de la population – les sunnites (représentés par l’Armée syrienne libre), les Kurdes, les Alaouites et les chrétiens – pour au moins cinq ans. Cinq années axées sur la reconstruction du pays et la restauration de la sécurité intérieure.

Au cours de cette période, une fédération souple devrait être créée pour que chacune des principales classes puisse établir une règle semi-autonome et accepte d’entamer un processus de paix et de réconciliation afin de prévenir toute vengeance et d’empêcher toutes représailles. Ce processus permettrait également d’ouvrir la voie à une coopération économique et sécuritaire.

Le rapatriement des réfugiés doit également être abordé. Les parties devraient convenir d’un programme permettant aux réfugiés de rentrer chez eux. Vu l’ampleur des dégâts en Syrie, toutes les parties prenantes devraient entreprendre de récolter les milliards de dollars nécessaires à la reconstruction des infrastructures et à la réadaptation des réfugiées.

D’ici à ce qu’un accord soit trouvé, une zone d’exclusion aérienne devrait être mise en place en Syrie le long de ses frontières avec la Turquie et la Jordanie, afin d’offrir un abri sûr aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur du pays.

À l’évidence, Trump devrait montrer clairement que les États-Unis sont plus que disposés à trouver une solution diplomatique pour résoudre le conflit en Syrie, qui menace, par extension, leur propre sécurité et celle de leurs alliés. Le président américain devrait également souligner que les États-Unis sont prêts à recourir à la force si nécessaire pour atteindre leurs objectifs.

Donald Trump a donné l’ordre d’attaquer la base aérienne syrienne alors qu’il dînait avec le président chinois Xi Jinping, envoyant un message fort et clair au régime nord-coréen. Les États-Unis ont également envoyé un porte-avions dans l’ouest de l’océan Pacifique, à proximité de la péninsule coréenne, un signal sans équivoque adressé à la Chine : il est temps de faire taire les provocations de la Corée du Nord, car plus le conflit perdure, plus il devient complexe.

Les mesures prises contre le régime d’Assad et la Corée du Nord ont permis à Trump de réaffirmer la position des États-Unis sur la scène internationale en défiant leurs ennemis de tenir compte de leur détermination, tout en les invitants à trouver une solution diplomatique fondée sur les intérêts nationaux de chacun.

La Russie a tout intérêt à renouer des relations normales avec les États-Unis si elle tient à ce que les sanctions qui lui sont imposées soient levées. La visite du secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, à Moscou devrait ouvrir la voie à des négociations sérieuses pour mettre fin au conflit en Syrie, tant qu’elle garantit les objectifs stratégiques à long terme de la Russie.

La Chine cherche principalement à maintenir et améliorer ses relations commerciales avec les États-Unis. Si les États-Unis l’y incitent, la Chine se fera donc un plaisir de prendre toutes les mesures nécessaires pour dompter la Corée du Nord et empêcher toute confrontation entre les Américains et les Nord-Coréens, un affrontement qui précipiterait le bouleversement régional que l’Empire du Milieu cherche à éviter à tout prix.

De même, l’Iran ne veut pas combattre l’armée américaine, car il sait pertinemment qu’il ne sortira qu’humilié d’une telle confrontation, ce qui se répercuterait négativement sur ses intérêts nationaux en Syrie et occasionnerait de nouvelles sanctions accablantes à son égard.

Les États-Unis sont aujourd’hui dans une bien meilleure position que ces seize dernières années pour rétablir leur crédibilité mondiale et assumer leurs responsabilités morales et en matière de sécurité.

Le côté imprévisible de Donald Trump et sa volonté de recourir à la force si nécessaire peuvent certes constituer un avantage, mais ils ne sauraient se substituer à une stratégie saine et efficace : la stratégie de la carotte et du bâton, avec un objectif bien défini toujours en vue.

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