All Writings
mai 2, 2017

Il est temps que les Israéliennes et les Palestiniennes brandissent la bannière de la révolte

En ce cinquantième anniversaire de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, j’écrirai une série d’articles afin de proposer plusieurs mesures pacifiques entre les peuples, dont nous manquons cruellement, et que les Israéliens et les Palestiniens devraient prendre pour mettre fin à cette occupation. Ce premier article traite du rôle primordial des femmes israéliennes et palestiniennes.

De tout temps, les femmes ont joué un rôle essentiel dans la résolution de conflits majeurs, violents et interminables. Les Israéliennes et les Palestiniennes émettaient déjà des protestations contre l’occupation par le passé, mais uniquement à petite échelle et leurs voix se sont retrouvées noyées par la forte résistance du puissant mouvement de colonisation. Bien que la majorité des Israéliens et des Palestiniens souhaitent mettre un terme à ce conflit, ni le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ni l’Autorité palestinienne n’ont instauré de politiques visant à conclure un accord de paix. Il est temps pour les femmes de faire entendre leur voix en masse et de réclamer la paix dès maintenant. Pour ce faire, elles doivent se montrer prêtes à recourir à des mesures pacifiques, peu importe à quel point ce processus pourra être long et difficile.

Le rôle des femmes dans le règlement de conflits mondiaux montre à quel point elles peuvent influencer le cours des événements. En Irlande du Nord, l’organisation Peace People a permis de renforcer la solidarité entre les clivages sectaires, d’ôter toute légitimité à la violence et de favoriser l’émergence de la paix. Ce groupe a organisé plusieurs manifestations, ainsi qu’un rassemblement fort de plus de 10 000 personnes à Londres. Il s’est employé à promouvoir la paix dans les différentes régions locales. La Coalition des femmes d’Irlande du Nord a finalement pu être représentée au Forum d’Irlande du Nord (qui a permis de conclure l’accord du Vendredi saint) et a pu exprimer un point de vue critique dans le processus de paix.

Plusieurs organisations de femmes ont joué un rôle actif lors des conflits dans les Balkans, chacune s’exprimant en faveur de la paix. Les Femmes en noir de Belgrade se sont mises à organiser des veillées silencieuses chaque semaine afin de protester contre les atrocités commises par les Serbes dans la région. Elles ont également soutenu la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougolsavie. Aujourd’hui, elles continuent leur mission en organisant des veillées et des manifestations, tout en aidant les réfugiés et les personnes déplacées qui ont fui les zones de conflit. Elles s’associent en outre à une organisation de femmes kosovares pour créer des ponts entre la Serbie et le Kosovo.

L’organisation féminine « Women of Liberia Mass Action for Peace » (Action en masse des femmes du Liberia pour la paix) a joué un rôle décisif dans la fin de la deuxième guerre civile libérienne. Les femmes engagées dans ce groupe ont organisé des manifestations au sein de leur propre communauté (propagées tout d’abord par des stations de radio appartenant à l’Église catholique, puis par d’autres organes de presse nationaux et internationaux). Elles se sont ensuite rendues aux pourparlers de paix au Ghana, afin de bloquer toutes les entrées et sorties du bâtiment où les négociations avaient lieu jusqu’à ce qu’une résolution soit adoptée.

Madres de Plaza de Mayo (les Mères de la place de Mai) est peut-être l’une des organisations pour la paix dirigées par des femmes les plus célèbres. Elle a été fondée en 1977 par des mères argentines dont les enfants ont « disparu » pendant la « guerre sale ». Leurs manifestations hebdomadaires ont incité le gouvernement civil à entamer une enquête en 1984 et à poursuivre les coupables de ces atrocités. Une autre organisation apparentée, Abuelas de Plaza de Mayo (les Grands-mères de la place de Mai), a joué un rôle clé dans la création de l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale et de la Banque nationale de données génétiques, qui ont permis de localiser et d’identifier les corps des disparus et de leurs enfants encore vivants qui avaient été adoptés dans la clandestinité et l’illégalité.

En Israël, la société civile devrait soutenir les efforts que déploient actuellement des mouvements tels que les Femmes en noir et Women Wage Peace (groupe de femmes œuvrant pour la paix). Elle devrait se servir de leur pouvoir provocateur et faire entendre leurs voix. Les Femmes en noir organisent des veillées tous les vendredis à Jérusalem depuis 1988 afin de protester contre l’occupation israélienne. Elles ont d’ailleurs inspiré plusieurs antennes du mouvement à travers le monde (notamment en Serbie, comme je l’ai déjà évoqué).

Le collectif Women Wage Peace a entrepris de nombreuses démarches, dont une grève de la faim remarquable au cours de l’opération « Bordure protectrice » en 2014 qui a débouché sur une réunion avec le Premier ministre israélien et sa promesse de rencontrer le président Abbas à n’importe quel moment et sans y mettre de préalable. Le collectif a lancé d’autres programmes, comme des diffusions dans tout le pays du documentaire Pray the Devil Back to Hell sur le mouvement pacifique au Liberia en hébreux, en arabe et en russe, dans le but de donner naissance à un véritable désir de paix et de démontrer l’efficacité de ce type de mouvements.

Toutes ces activités étaient absolument nécessaires, mais leur portée s’est révélée limitée et elles n’ont pas réussi à susciter de soutien public généralisé – ce qui met en évidence la complaisance totale de la société israélienne – et à forcer la main des gouvernements israélien et palestinien pour que ceux-ci s’engagent en faveur de la paix au lieu de lancer des paroles en l’air et de ne prendre aucune mesure concrète pour démontrer leur engagement.

Les Israéliennes et les Palestiniennes devraient diriger plusieurs actions civiques conjointes si elles veulent changer la dynamique du conflit de la même manière que les exemples évoqués ci-dessus. Pour y arriver, elles devraient entreprendre de multiples activités, tenir un discours cohérent et intensifier leurs démarches si leur gouvernement respectif ignore leurs demandes.

Des manifestations de masse devraient être organisées par des dizaines de milliers de femmes. Celles-ci doivent manifester leur intention de poursuivre ces protestations en organisant régulièrement des manifestations hebdomadaires à plus petite échelle. Ces événements devraient être organisés dans différentes régions du pays afin de protester contre les politiques gouvernementales et d’exiger un changement de situation immédiat par la mise en place d’un processus de réconciliation pour atténuer la haine et la méfiance entre les deux camps.

Si le gouvernement ne donne aucune réponse positive officielle ou ne réagit pas, l’escalade doit alors commencer : appeler à la désobéissance civile à condition de prévenir la violence sous toutes ses formes.

Par désobéissance civile, j’entends notamment l’encombrement de masse des espaces publics (aéroports, places, centres commerciaux, etc.), car la société en général doit ressentir les effets tangibles de ces protestations en temps réel. Bon nombre de manifestants peuvent s’attendre à être arrêtés ; ils ne doivent pas résister, mais au contraire accepter cette arrestation, de sorte qu’il sera impossible pour les autorités d’accueillir des centaines, voire des milliers, de détenus.

En occupant les postes de contrôle des deux camps, les manifestants pourraient empêcher fortement le personnel de sécurité de surveiller la circulation des Israéliens et des Palestiniens d’un côté à l’autre. Il serait ainsi particulièrement difficile pour les travailleurs palestiniens de travailler en Israël où leurs services sont nécessaires. Cette situation aurait bien sûr un impact sur les travailleurs palestiniens, mais elle aurait également des répercussions négatives sur les entreprises israéliennes dans lesquelles ils travaillent.

L’organisation de manifestations devant le mur de séparation indiquerait clairement que la paix ne dépend pas d’une séparation entre les deux camps, mais bien d’une collaboration et d’une pleine coopération sur toutes les interactions civiles et de sécurité.

Il faut organiser des manifestations devant le quartier général de la Knesset israélienne et de l’Autorité palestinienne à Ramallah, afin d’envoyer un message clair aux législateurs ainsi qu’aux personnes habilitées à élaborer des politiques : l’impasse actuelle ne peut et ne doit pas continuer. Il n’y a pas d’autre solution que la coexistence et la paix.

Tous les symboles de l’occupation devraient être particulièrement ciblés (le mur de séparation, les colonies, etc.), en réalisant éventuellement des œuvres d’art sur le mur pour souligner l’ironie de la chose : Israël est en train de se construire une prison pour lui-même, tout en exerçant les fonctions de gardiens contre les Palestiniens assiégés.

Pour que ces marches et manifestations demeurent pacifiques, les organisateurs doivent établir un plan d’action précis pour toute activité de désobéissance civile, avoir des plans d’urgence sous la main, et recruter des bénévoles pour « contrôler la foule » afin d’éviter toute confrontation avec les forces de police.

Les Israéliennes et les Palestiniennes devraient se servir de leur formidable pouvoir pour exiger qu’il soit mis fin à ce conflit. Elles auront beaucoup plus de poids que les hommes si elles unissent leurs efforts, sortent en nombre et tiennent un discours cohérent : mettre fin à l’occupation.

Après 70 ans, la tragédie du conflit israélo-palestinien doit cesser. Les femmes israéliennes et palestiniennes ont le pouvoir de brandir la bannière d’une révolte pacifique. Elles doivent la hisser maintenant si elles veulent ramener la paix dans cette région que les deux camps devront inévitablement partager.

TAGS
Non classé
SHARE ARTICLE