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juin 12, 2017

La guerre de Six Jours reste inachevée : Lettre ouverte au Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou

Monsieur le Premier ministre,

Depuis que vous avez célébré le cinquantième anniversaire de la victoire de la guerre de Six Jours, avez-vous seulement réfléchi aux conséquences de ce triomphe sur le peuple palestinien et sur les valeurs morales de l’État d’Israël ? Je ne sais pas à quel point l’histoire vous condamnera, mais une chose est sûre : je pense sincèrement, comme des millions d’autres juifs à travers le monde, qu’aucun Premier ministre israélien n’a fait davantage de tort au bien-être et à la sécurité du pays que vous. Ironie du sort, la situation actuelle est complètement effacée dans votre univers moralement perverti.

Cinquante années se sont écoulées, et bien que vous ayez occupé le poste de Premier ministre plus longtemps qu’aucun autre, vous n’avez formulé aucune vision quant à l’avenir d’Israël et au destin des Palestiniens. Au contraire, vous vous réconfortez dans l’hypocrisie, en prétendant de faire ce qui est juste et en défendant vos mensonges incessants et votre logique tordue, faisant de la malhonnêteté une vertu. Rappelez-vous, Monsieur le Premier ministre, qu’un véritable dirigeant moral ne triche pas et ne trompe pas, qu’un véritable dirigeant moral adopte une position claire, peu importe son degré d’impopularité. Alors que vous, vous n’avez fait que mener des politiques où rien n’est inadmissible.

Vous prétendez soutenir une solution à deux États et vous vous dites prêt à entamer des négociations sans aucune condition, mais tout ce que vous avez dit ou fait au fil des années contraste vivement avec vos affirmations. Comment comptez-vous soutenir une solution à deux États quand vous affirmez : « Je pense que ceux qui tentent de créer un État palestinien de nos jours, et d’évacuer certaines zones, offrent à l’islam radical une région à partir de laquelle il pourra attaquer l’État israélien ». Et lorsqu’il vous a été demandé, lors des dernières élections de 2015, si aucun État palestinien ne verrait le jour sous votre mandat, vous avez répondu : « En effet ».

Dans votre discours devant le Congrès en mai 2011, vous avez déclaré : « C’est la terre de nos ancêtres, la terre d’Israël, sur laquelle Abraham a amené l’idée d’un Dieu unique, où David a entrepris de faire face à Goliath, et où Esaïe a eu une vision de la paix éternelle. » Au cours de ce même discours, vous avez proclamé ardemment qu’« En Judée-Samarie, le peuple juif n’est pas un occupant étranger ».

Alors, dites-moi, comment ces déclarations peuvent-elles correspondre à l’idée d’un État palestinien établi sur le même territoire, alors que vous n’avez aucune intention d’évacuer un jour vos colonies ? Vous avez réaffirmé cette position en septembre 2016, lorsque vous avez annoncé : « L’Autorité palestinienne exige un État palestinien avec une condition : qu’il n’y ait pas de juifs. Il y a une expression pour ça : ça s’appelle du nettoyage ethnique. »

Vous vous servez de la sécurité nationale comme d’un chèque en blanc pour répandre la peur en dépeignant les Palestiniens comme le plus grand danger qui menace la nation. « Pour garantir notre existence, nous devons avoir le contrôle militaire et sécuritaire sur tout le territoire situé à l’ouest du Jourdain », avez-vous affirmé.

Quelle importance les Palestiniens doivent-ils accorder à votre soi-disant disposition à négocier une solution à deux États, quand vous exigez en même temps du président Mahmoud Abbas qu’il reconnaisse tout d’abord Israël comme un État hébreu ? Selon vous, « la véritable racine de ce conflit… ce n’est pas telle ou telle colonie, ni telle ou telle communauté, c’est le refus tenace et persistant [des Palestiniens] de reconnaître un État juif quel qu’il soit ». Ces deux affirmations sont fausses et infondées.

Si les négociations étaient sur le point de commencer sans aucune condition, comment pourriez-vous affirmer que « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif » ? À une autre occasion, vous avez déclaré que : « Il y a cinquante ans, nous n’avons pas conquis Jérusalem, nous l’avons libéré… aujourd’hui, je le dis haut et fort : Jérusalem était et sera toujours la capitale d’Israël ». Si vous enlevez l’avenir de Jérusalem de la table des négociations, ne s’agit-il pas d’une condition ?

Vous continuez de proclamer que les colonies ne constituent pas un obstacle à la paix. Pouvez-vous m’expliquer par quel miracle les colonies n’empêcheront pas la création d’un État palestinien sur un territoire contigu, surtout lorsque vous poursuivez leur expansion et que vous excluez l’évacuation des colonies existantes ?

À l’évidence, Monsieur le Premier ministre, votre besoin criant de réaffirmer vos programmes douteux et votre attitude fanatique vous amène à créer une atmosphère d’incertitude et un sentiment de vulnérabilité parmi les Israéliens, afin de vous procurer le soutien politique nécessaire pour rester au pouvoir. Si ce n’est pas la marque d’un démagogue, alors qu’est-ce donc ? Le poète Aristophane a déclaré à juste titre : « Vous [les démagogues] faites comme les pêcheurs d’anguilles : quand l’eau est calme, ils ne prennent rien, mais quand ils ont agité la vase, la pêche est bonne. De même, vous gagnez lorsque vous avez mis le trouble dans la république ».

Vous demandez que les Palestiniens se tiennent bien et qu’ils ne résistent pas à l’occupation, mais que leur avez-vous offert en retour ? Vous refusez de libérer les prisonniers politiques ; vous refusez d’enrayer l’expansion des colonies ; vous refusez de délivrer aux Palestiniens des permis de construire, et vous refusez d’accorder une mobilité illimitée aux Palestiniens, sans parler des supplices qu’ils endurent tous les jours. Si vous voulez vraiment la paix, Monsieur le Premier ministre, pourquoi n’avez-vous pas utilisé le cinquantième anniversaire pour poser au moins un geste de bonne volonté, en libérant quelques centaines de prisonniers politiques palestiniens, par exemple, et ainsi laisser le peuple palestinien espérer le retour de jours plus heureux ?

Rappelez-vous ce que Frederick Douglas a jadis fait remarquer : « Où la justice est refusée, où la pauvreté est appliquée, où l’ignorance prévaut et où une catégorie quelconque est amenée à sentir que la société est un complot organisé pour l’opprimer, la voler et la dégrader, ni les personnes ni les biens ne seront en sécurité. »

Blâmer les Palestiniens pour l’absence de paix est au mieux hypocrite. Que voulez-vous d’eux ? Ils sont à la merci d’Israël ; ils n’ont plus rien à offrir. Vous, Monsieur le Premier ministre, avez le pouvoir de proposer un cadre pour la paix. Aucun pays ni aucune coalition de pays au Moyen-Orient ne peuvent un jour espérer vaincre Israël sur le plan militaire au cours des prochaines années. Si vous ne négociez pas la paix aujourd’hui alors que vous êtes en position de force, combien de temps faudra-t-il encore attendre ?

La paix fondée sur une solution à deux états n’est pas favorable aux Palestiniens, elle est inhérente à la sécurité nationale d’Israël sur le long terme. Sans paix, vous mettez en péril le statut de nation des juifs pour lequel beaucoup ont souffert et sont morts.

Rappelez-vous bien ceci, Monsieur le Premier ministre, près de 80 pour cent des Palestiniens et environ 70 pour cent des Israéliens sont nés sous l’occupation. Quelle sorte d’État hébreu êtes-vous en train de créer ? Un État qui a l’habitude d’opprimer d’autres peuples, car les gens comme vous les présentent comme l’ennemi éternel ?

Les juifs n’ont-ils pas vécu assez longtemps que pour savoir ce que sont la persécution, l’incarcération, la ségrégation, l’expulsion et la condamnation à mort ? Êtes-vous en train de suggérer que les Palestiniens sont des adversaires immuables et que les juifs doivent les écraser et les humilier pour se sentir en sécurité ?

Non, Monsieur le Premier ministre. Tout ce que vous faites subir aux Palestiniens, jour après jour, va à l’encontre des valeurs juives, de ce qui est juste et bon, de la logique et de la raison même pour laquelle les juifs ont lutté pour survivre pendant des millénaires avant d’avoir leur propre foyer.

Vous et vos fanatiques êtes tout à fait ignorants de ce qu’il faut défendre. Vous êtes en train de détruire, brique par brique, le seul pays où peuvent se réfugier les juifs voulant vivre dans un État hébreu, libre et démocratique. L’occupation des territoires palestiniens ne fait pas d’Israël un État libre, indépendant et sûr. Au contraire, elle en a fait une prison entourée de clôtures et de murs, avec des abris et des bunkers, défendue par des milliers de soldats prêts à tuer, effectuer des raids et tout détruire.

Pourquoi ?

Parce que vous voulez faire des Palestiniens l’ennemi éternel des juifs, uniquement pour soutenir une idéologie tordue qui ignore gratuitement leur réalité absolue. Oui, l’existence du peuple palestinien est bien réelle. Vous ne pouvez pas l’occulter. Avez-vous jamais songé que ces gens voulaient vivre une vie normale, sans crainte, sans appréhension, sans anxiété et sans inquiétude ? Avez-vous jamais songé que cette occupation ne faisait qu’entretenir la folie de l’extrémisme ? Nous, les juifs, aurions-nous agi différemment sous une occupation brutale ?

Vous dites représenter Israël, ainsi que les juifs du monde entier ; n’avez-vous donc pas l’obligation d’offrir une perspective de l’avenir que vous envisagez pour le peuple d’Israël ? À quoi les juifs du monde entier, au nom desquels vous prétendez parler, doivent-ils s’attendre d’ici cinq à dix ans ?

Au vu du contexte toujours tendu et de la situation désastreuse de ces territoires, ce n’est qu’une question de temps avant que n’explose la prochaine conflagration sanglante. Le sang des Israéliens et des Palestiniens, hommes, femmes et enfants, sera sur vos mains. Personne d’autre n’est à blâmer de votre paralysie, sinon vous-même.

Vous ne pouvez pas rejeter la faute sur vos partenaires et idéologues lunatiques, scandaleux et loyaux tels que Naftali Bennett, Ayelet Shaked et Avigdor Lieberman, qui refusent de voir la réalité en face et préfèrent vivre dans l’ignorance, ne sachant pas ce que le sort leur réserve. Ils vous ont mis une laisse autour du cou et vous l’avez acceptée pour vous servir d’eux hypocritement. Ils vous offrent en effet la couverture politique dont vous avez besoin pour exécuter votre plan tordu. Il n’y a que vous qui puissiez changer de cap en vous débarrassant d’eux et en constituant un nouveau gouvernement attaché à la paix, si seulement vous en aviez envie. Mais ce n’est pas le cas.

Je me demande, Monsieur le Premier ministre, quelle sorte d’héritage vous souhaitez laisser derrière vous ? Il faut faire la paix pour récolter les véritables fruits de la guerre de Six Jours. Seule la paix fera de cette guerre de Six Jours un triomphe, puisque la guerre continue. Vous, plus que quiconque en Israël, serez responsable et devrez rendre des comptes à la prochaine génération qui se demandera comment elle en est arrivée là ? Pourquoi devons-nous vivre dans une prison que nous avons nous-mêmes bâtie, alors que l’État d’Israël a été créé pour nous libérer ?

L’histoire ne sera pas tendre avec vous, Monsieur le Premier ministre, à moins que vous ne décidiez de changer le cours des choses. Il est temps de réfléchir sérieusement, car vous avez le destin de la nation d’Israël entre vos mains.

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