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février 12, 2018

Le laisser-faire des États-Unis compromet l’avenir d’Israël

Les États-Unis ont toujours été et demeurent les plus fervents défenseurs d’Israël, mais leur soutien inconditionnel pourrait bien causer des dommages importants au bien-être futur de l’État hébreu. Dans le passé, l’aide économique, politique et militaire continue des États-Unis a permis à Israël de maintenir son occupation et de créer de nouvelles conditions politiques et physiques en Cisjordanie qui ont gravement ébranlé, sinon détruit, la perspective d’une solution à deux États.

Tous les gouvernements israéliens, quelle que soit leur composition politique, ont tenu pour acquis le soutien des États-Unis, convaincus qu’aucune administration américaine ne prendrait de sanction à leur égard même s’ils devaient se démarquer à un moment ou à un autre de la position américaine concernant le conflit israélo-palestinien. Cette situation a permis à plusieurs gouvernements israéliens successifs de formuler des politiques et d’agir en conséquence en Cisjordanie, et ce en toute impunité. Même le président Obama, qui a exercé une certaine pression sur le gouvernement de Benyamin Nétanyahou pour qu’il mette un terme à l’expansion des colonies existantes, a fini par accorder à Israël 38 milliards de dollars d’aide militaire sur dix ans, sans aucune condition.

Plusieurs raisons justifient le soutien indéfectible des États-Unis à l’égard d’Israël. Le soutien politique des évangéliques est d’une importance capitale. Les évangéliques sont en effet d’ardents partisans d’Israël, car ils pensent qu’il conduira au retour du Messie. Ils représentent un électorat important (72 millions d’électeurs inscrits), sans lequel personne n’est assuré de gagner la présidence. Ni les républicains ni les démocrates ne peuvent prendre directement le contrôle de la Chambre et du Sénat sans l’appui des évangéliques.

En outre, les États-Unis et Israël ont établi, au cours des cinq dernières années, une collaboration de grande envergure à plusieurs égards : une coopération stratégique étroite pour garantir la sécurité d’Israël tout en servant les intérêts économiques et stratégiques des États-Unis dans la région ; un partage des renseignements ; une coordination militaire ; et une collaboration importante notamment dans le champ scientifique et technologique.

À cela s’ajoutent les valeurs politiques et sociales partagées, renforcées par l’engagement moral de l’Amérique en faveur de la survie d’Israël, ainsi que le soutien traditionnel de la communauté juive américaine, qui jouit en grande partie d’une influence notable sur les membres de la Chambre et du Sénat par des contributions financières à leurs campagnes politiques. Enfin, les États-Unis et Israël considèrent l’Iran comme une grande puissance régionale déstabilisatrice. Les deux pays partagent d’ailleurs la même détermination : empêcher l’Iran d’atteindre ses objectifs nucléaires et régionaux.

Voilà pourquoi les États-Unis continuent inexorablement de soutenir Israël, malgré leurs divergences dans le conflit israélo-palestinien. Les colonies israéliennes sont sans doute l’exemple le plus frappant de ces différences ; plusieurs administrations américaines successives les ont qualifiées d’obstacles majeurs à la paix, mais se sont abstenues d’exercer la moindre pression sur Israël pour que le gouvernement cesse d’étendre les colonies existantes et arrête d’en construire de nouvelles.

L’arrivée de la nouvelle administration n’a fait qu’empirer la situation. Même si Donald Trump cherche à faciliter la conclusion d’un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens, il ne soutient ni ne s’oppose à une solution à deux États et a laissé au gouvernement israélien et à l’Autorité palestinienne le soin de choisir la voie à suivre. Il a de ce fait adressé un signal clair au gouvernement de Nétanyahou : les États-Unis ne s’engagent plus en faveur d’une solution à deux États. Donald Trump laisse donc le Premier ministre israélien saboter progressivement toute perspective demeurant à cette fin.

L’autre terrible erreur du président américain a été de ne pas demander de concessions à Benyamin Nétanyahou en échange de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël, ce qui aurait pu relancer le processus de paix et l’aider à « négocier l’accord du siècle » qu’il souhaitait. Pour Nétanyahou, la reconnaissance de Jérusalem par les États-Unis était une réalisation historique unique du rêve des Israéliens. Même si Trump a laissé ouverte la question de savoir où se situent les frontières définitives de Jérusalem, Israéliens et Palestiniens sont nombreux à voir cette reconnaissance comme un clou de plus dans le cercueil d’une solution à deux États.

Par ailleurs, la décision de Donald Trump de geler l’aide financière accordée à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East en anglais) n’a pas tenu compte des conséquences à long terme et a directement joué le jeu de Nétanyahou, perdant une grande partie de l’influence des États-Unis pour faire pression sur l’Autorité palestinienne afin que celle-ci revienne à la table des négociations. Ainsi, au lieu d’utiliser la reconnaissance de Jérusalem pour faire avancer la paix, Trump a isolé les Palestiniens tout en permettant à Nétanyahou de maintenir son cap.

Le refus des États-Unis de forcer Israël à changer de direction a non seulement sapé la perspective d’une solution à deux États, mais a conduit Israël dans une situation précaire. De ce fait, de plus en plus de Juifs d’Israël et d’ailleurs ont perdu tout espoir quant à l’avenir de l’État hébreu et à sa raison d’être. Israël devient progressivement un État nationaliste suprême, les Juifs orthodoxes et les colons gagnant chaque jour de plus en plus d’influence dans toutes les institutions gouvernementales et privées.

Les Israéliens ne jurent que par le soutien politique, économique et militaire des États-Unis. L’échec de plusieurs administrations américaines à utiliser ces leviers pour contraindre Israël à modifier sa politique vis-à-vis des Palestiniens ne fait qu’encourager les Israéliens à poursuivre leur expansionnisme territorial sans craindre la moindre action punitive de la part de son grand bienfaiteur.

En outre, même si les États-Unis ont en tête un cadre assez clair pour la conclusion d’un accord de paix, ils ont permis, de façon irresponsable, aux Israéliens de changer de dynamique territoriale et politique en Cisjordanie sans modifier leur politique à l’égard d’Israël pour qu’elle corresponde à son cadre général pour une solution à deux États.

Étant donné que seuls les États-Unis peuvent exiger les conditions nécessaires pour faire la paix, il est clair que ces derniers ont laissé Israël mener une politique désastreuse vis-à-vis des Palestiniens. Par leur refus d’exercer des pressions pour mettre fin aux colonies, les États-Unis ont sabordé toute perspective de conclure un jour un accord de paix. Hélas, les considérations politiques nationales des États-Unis, aggravées par l’erreur d’appréciation actuelle de l’administration Trump quant à l’importance d’une paix israélo-palestinienne pour la stabilité régionale, continueront de l’emporter sur une politique saine à l’égard d’Israël pour le protéger de l’autodestruction.

Trois années supplémentaires de soutien politique malavisé de la part de l’administration Trump pourraient porter un coup fatal à Israël, qui ne sera plus juif ni démocratique. Les Israéliens qui acclament la montée au pouvoir de Donald Trump devraient faire attention à ce qu’ils souhaitent réellement.

Si les États-Unis continuent de laisser faire Israël, ce sera le début de la fin pour un accord israélo-palestinien. Israël deviendra un État paria entouré de murs et de grillage, constamment menacé et forcé de dormir avec une arme sous l’oreiller.

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