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octobre 17, 2017

Les Palestiniens parviendront-ils à tirer leur épingle du jeu ?

Les efforts actuellement déployés pour réconcilier l’Autorité palestinienne (AP) et le Hamas sont voués à l’échec, comme les tentatives précédentes, à moins que les deux camps n’acceptent d’éliminer trois grands obstacles : établir une stratégie unie pour trouver une solution pacifique au conflit israélo-palestinien, déterminer le destin de la cache d’armes du Hamas, et choisir le futur gouvernement palestinien. Ces trois ombres au tableau les hantent depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza en 2007. Au vu de leur animosité mutuelle et de leur rivalité mortelle, la question est de savoir si les Palestiniens seront capables cette fois de tirer leur épingle du jeu.

Tout d’abord, il reste primordial de trouver une solution pacifique au conflit avec les Israéliens. Cette priorité doit faire l’objet d’un consensus entre l’AP et le Hamas. L’AP a depuis longtemps reconnu l’État d’Israël sur la base des frontières du 4 juin 1967, tandis que le Hamas – même s’il a fait part de sa volonté de négocier avec les Israéliens sur une solution à deux États – continue de réclamer la destruction définitive d’Israël.

Si le Hamas rejoint l’AP et que celle-ci prend la responsabilité de négocier avec Israël, ni l’actuel gouvernement israélien de droite ni même un futur gouvernement centriste/gauchiste ne négociera avec l’AP tant que le Hamas n’aura pas reconnu l’État d’Israël et renoncé à la violence, ce qui est peu probable.

Puisque tout le monde s’accorde toutefois pour dire que sans le Hamas, la paix entre Israéliens et Palestiniens ne verra jamais le jour, reste à savoir comment convaincre le Hamas d’accepter ces deux conditions préalables sans perdre la face. La réponse tient dans l’initiative de paix arabe (IPA). En tant que médiateur entre le Hamas et l’AP, le président égyptien Sisi devrait insister pour que le Hamas rejoigne l’IPA et les rangs du reste du monde arabe. Les États-Unis et l’UE devraient cautionner publiquement ces efforts, qui permettront d’ouvrir la porte à la légitimation du Hamas en tant que partenaire dans les négociations avec Israël.

Dans l’ensemble, l’IPA stipule que la reconnaissance de l’État d’Israël dépend de deux choses : la restitution des territoires conquis en 1967, une « solution juste » pour les réfugiés palestiniens, et la désignation de Jérusalem-Est comme capitale du nouvel État palestinien. En se ralliant à l’IPA, le Hamas permettra de renforcer la position des partis israéliens du centre et de la gauche, qui seront alors mieux placés pour présenter au peuple israélien un cadre crédible pour la paix. Je soutiens que si ces objectifs ne sont pas atteints, l’AP et le Hamas continueront de battre les cartes sans jamais avoir de main gagnante.

Le deuxième obstacle majeur est la possession par le Hamas de plusieurs milliers de roquettes ainsi que la détermination de son aile militaire à les conserver en toutes circonstances. Le président de l’AP Mahmoud Abbas a raison d’exiger que le Hamas dépose ses armes, en insistant sur le fait qu’il ne permettra pas à Gaza de reproduire la situation du Liban, où le Hezbollah maintient un État de facto au sein d’un État disposant d’un énorme arsenal, libre de fonctionner comme bon lui semble.

En outre, tout gouvernement israélien, quelle que soit sa tendance politique, insistera pour que le futur État palestinien soit démilitarisé et ne négociera avec les Palestiniens sous aucune menace. Étant donné qu’il est peu probable que le Hamas remette son stock de roquettes à l’AP et qu’il aspire à mettre fin à son différend avec l’Égypte, le président est bien placé pour exiger que le Hamas entrepose son arsenal en Égypte.

En échange, l’Égypte ouvrira la frontière avec Gaza et sera en position de force pour amadouer les autorités israéliennes pour que celles-ci lèvent le blocus afin d’atténuer les effets de la crise humanitaire des Palestiniens, que le Hamas tente désespérément d’enrayer. C’est en effet l’une des principales motivations qui ont poussé le Hamas à vouloir mettre un terme à sa discorde avec l’AP.

Le rôle de l’Égypte en tant qu’intermédiaire est indispensable. Sans elle, les perspectives d’un accord d’unité durable entre l’AP et le Hamas sont pratiquement impossibles. De plus, la paix entre Israël et l’Égypte met cette dernière dans une position idéale pour contribuer à façonner l’accord d’unité entre le Hamas et l’AP et le rendre propice à la paix avec Israël.

À cet égard, il ne faut pas oublier que le président Sisi souhaite également la démilitarisation de Gaza ainsi que la coopération totale du Hamas pour combattre le terrorisme dans le nord du Sinaï. Dès lors, si le Hamas veut se rapprocher de l’AP, il doit travailler avec l’Égypte pour résoudre ce problème d’armes, sans lequel il n’y aura ni accord d’unité avec l’AP ni solution au conflit israélo-palestinien. Dans ce contexte, l’AP doit également déployer ses forces de sécurité à Gaza pour prendre en charge les points de passage vers Israël afin de calmer les inquiétudes et les restrictions des Israéliens.

La troisième difficulté majeure concerne la nature politique du futur gouvernement israélien. Même si les deux camps doivent rester attachés à une forme de gouvernement démocratique, les Palestiniens devraient accepter de reporter les élections législatives d’au moins cinq ans, décision que les États-Unis et l’UE devraient soutenir. Dans l’intervalle, l’AP et le Hamas établiraient un gouvernement d’unité représentatif proportionné basé sur la composition démographique actuelle des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza. Les deux parties choisiraient leurs représentants pour occuper tous les grands postes du gouvernement et les décisions seraient prises par consensus plutôt qu’à la simple majorité.

En raison de la situation politique actuelle entre les deux camps, et comme il a déjà été établi que le gouvernement d’unité serait dirigé par Abbas, le Premier ministre devrait être sélectionné parmi les rangs du Hamas. Des élections générales seront organisées dès que la période de transition sera terminée, ce qui permettra l’émergence d’une nouvelle direction. Le Hamas et l’AP devront se conformer aux résultats des élections, faute de quoi ils se retrouveront à nouveau en rivaux acharnés.

Il faut souligner que tous les membres du cabinet ainsi que les autres membres éminents du gouvernement doivent être apolitiques : des bureaucrates professionnels compétents qui se concentreront principalement sur des programmes sociaux, la reconstruction du pays, les soins de santé, l’éducation et le développement économique en Cisjordanie et à Gaza.

La période de transition est particulièrement importante pour que les Palestiniens aplanissent leurs différences et pour faire avancer le processus de paix avec Israël. En effet, si les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens reprennent maintenant, elles échoueront tout simplement, comme toutes les autres tentatives depuis les Accords d’Oslo signés en 1993. Israël et les Palestiniens doivent tout d’abord entamer un processus de réconciliation pour instaurer un climat de confiance, qui fait cruellement défaut, et atténuer les grandes inquiétudes en matière de sécurité avant de pouvoir reprendre les négociations pour de bon.

Cela ne peut se faire qu’en lançant des projets économiques entre gouvernements ainsi que des activités sociales entre les peuples pour créer une relation de confiance. Il est donc essentiel d’instaurer une période de transition pour apaiser la discorde entre les Palestiniens ainsi que les relations avec Israël.

En aucun cas, l’actuel gouvernement israélien de droite, dirigé par Benyamin Nétanyahou, ne cherchera ni ne s’engagera à trouver une solution à deux États. L’enjeu est donc d’engager Israël dans un processus de réconciliation, pour que les Palestiniens puissent renforcer le pouvoir des partis d’opposition israéliens, qui seront alors en mesure de plaider en faveur d’une paix fondée sur une solution à deux États.

Malgré l’occupation déplorable de la Cisjordanie et le blocus de Gaza, les Palestiniens n’ont fait qu’ébranler leur cause légitime en refusant d’examiner leurs propres lacunes, préférant reprocher tous les déboires de leur peuple à l’État israélien. L’AP et le Hamas doivent désormais accorder leurs violons, abandonner leurs vieux discours fatigués, cesser leurs incitations à la haine et leur extrémisme violent à l’encontre d’Israël et présenter un scénario de paix plausible basé sur l’IPA.

Il s’agit là d’un défi de taille. Compte tenu des différences idéologiques marquées entre l’AP et le Hamas, ainsi que leurs approches opposées pour résoudre le conflit israélo-palestinien et leur rivalité pour le pouvoir, les chances de réussite ne sont pas prometteuses, à moins de résoudre ces trois grands problèmes politiques de front.

S’ils ne s’attaquent pas à ces défis, les efforts de réconciliation entre l’AP et le Hamas ne seront ni plus ni moins qu’un jeu de poker dans lequel les deux camps essayeront de se montrer plus malins ou de tromper carrément l’autre. Il est temps pour les dirigeants de l’AP et du Hamas de tirer leur épingle du jeu.

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