Lettre ouverte à Ismaël Haniyeh et Yahya Sinwar
Messieurs Haniyeh et Sinwar,
Je vous écris cette lettre au lendemain de la dernière confrontation entre manifestants palestiniens et soldats israéliens qui s’est tragiquement soldée par la mort de 120 jeunes palestiniens. Je suis persuadé que ce drame aurait pu être évité si vous aviez réalisé, il y a longtemps, que pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien, il est nécessaire de cesser toute forme de violence et de ne plus formuler d’exigences telles que le droit au retour, sachant que cela ne se produira jamais.
Le temps et les circonstances ont changé, mais vous restez figés dans le passé, peu disposés à changer de stratégie. Hélas, vous croyez toujours que votre militantisme et votre intransigeance vous aideront à rétablir vos droits, aussi malencontreux et irréaliste que cela puisse être, et indépendamment du fait que votre peuple est de plus en plus insatisfait de votre commandement.
Vous devez maintenant assumer la responsabilité de la mort d’un grand nombre de personnes car, même si la réponse d’Israël était horrible et disproportionnée, vous saviez très bien qu’en appelant la population à manifester à la frontière, de nombreux manifestants seraient tués. Votre stratégie à l’égard d’Israël s’est tarie et n’a rien fait d’autre que nuire gravement à la cause palestinienne tout en infligeant une douleur et une souffrance atroces à une multitude de jeunes et de moins jeunes, et ce en pure perte.
Vous trouvez du réconfort dans vos illusions de destruction d’Israël, mais elles ne sont rien de moins qu’une chimère qui ne vous a amenés nulle part. Vous êtes assiégés de l’intérieur et de l’extérieur, vivant de la charité, accablés par un chômage endémique et dévastateur, une pauvreté généralisée, un désespoir et une détresse qui vous mutile.
Vous avez profité du désespoir des Palestiniens pour inciter les jeunes à démolir la clôture qui sépare Gaza d’Israël sous la bannière du droit au retour. Que les Palestiniens aient ou non un tel droit n’est plus pertinent dans l’état actuel des choses. Aucun gouvernement israélien, quelle que soit sa tendance politique, n’autorisera les Palestiniens à retourner chez eux en masse, car cela anéantirait l’identité juive nationale de l’État, que la quasi-totalité des Israéliens veut préserver à tout prix et en toute circonstance.
En outre, le droit au retour des « réfugiés palestiniens » vivant à Gaza et en Cisjordanie a été complètement mal interprété au fil des ans. Les Palestiniens, cependant, ont choisi d’entretenir ces beaux discours sur le droit au retour car ils voulaient éviter que la question des réfugiés ne tombe dans l’oubli et justifier leur revendication à l’ensemble de la Palestine sous mandat.
Tous les Palestiniens de Gaza vivent dans leur pays natal, à moins que vous ne considériez pas cette région comme faisant partie de la Palestine. De ce fait, les Palestiniens de Gaza ne sont pas des réfugiés par définition. Ils ont été déplacés à l’intérieur de leur territoire et la solution à cette situation lamentable réside dans la réinstallation et/ou l’indemnisation. Vous vous êtes contentés d’envoyer vos jeunes à la mort sous la fausse bannière du droit au retour, dans le seul but de marquer des points de relations publiques.
Vous gérez scandaleusement mal vos ressources financières. Au lieu de bâtir des cliniques, des écoles, des parcs industriels, des infrastructures et des logements, plus que nécessaires, vous avez dilapidé plus d’une centaine de millions de dollars dans la construction de tunnels, dans l’achat et la fabrication d’armes et dans l’entraînement de milices. Dites-moi, dans quel but avez-vous pris ces mesures si ce n’est pour satisfaire votre orgueil dérisoire ?
Certes, vous pouvez lancer des centaines de roquettes sur Israël et kidnapper ou tuer quelques Israéliens. Mais vous ne pourrez jamais, ni maintenant ni jamais, gagner d’affrontement militaire avec Israël. Vous ne pourrez que subir de terribles pertes matérielles et humaines, comme vous le savez de vos confrontations passées avec les forces israéliennes.
Vous ne pouvez pas exiger la levée du blocus et prôner, en même temps, la destruction de l’État hébreu. Vous ne pouvez pas recourir à la force et acheter des armes et attendre d’Israël qu’il facilite l’accès depuis et vers Gaza.
Vous ne pouvez pas aviver les tensions en diffusant une propagande empoisonnée uniquement dans le but d’entretenir la haine des Palestiniens à l’égard d’Israël et à la fois espérer que les Israéliens croient que vous serez un jour prêts à coexister pacifiquement avec eux.
Vous ne pouvez pas dépenser des millions de dollars en préparation militaire, tout en refusant à votre propre peuple les produits de première nécessité – nourriture, eau potable et soins de santé – et rejeter la faute sur le blocus.
Vous ne pouvez pas dire que vous êtes des victimes d’Israël alors qu’en réalité vous avez transmis ce sentiment de victimisation d’une génération à l’autre, en soumettant votre peuple à une vie de honte et de désespoir.
Vous n’êtes pas corrompus parce que vous volez de l’argent, parce que vous vous livrez à des tractations douteuses ou parce que vous vivez une vie somptueuse aux dépens des plus démunis. Vous êtes corrompus sur le plan politique et idéologique parce que vous continuez de mettre en avant des politiques et une idéologie qui poussent votre peuple à résister dans la violence, en promettant, à tort, que le jour du salut est proche. Cependant, ce sont les innocents – jeunes et moins jeunes – qui en paient le prix.
Le temps ne joue pas en votre faveur. Les États arabes vous ont en grande partie abandonnés. Les puissances occidentales considèrent toujours le Hamas comme une organisation terroriste. L’Iran vous apporte une piètre assistance pour combattre Israël depuis le sud, seulement pour mieux profiter de vous afin de servir les intérêts de Téhéran dans sa confrontation avec l’État juif.
Vous êtes soumis à un blocus de la part d’un autre État arabe – l’Égypte – à cause de votre extrémisme violent et de votre fanatisme religieux. Le président turc Recep Tayyip Erdogan vous offre son soutien, mais il exploite la détresse des Palestiniens de Gaza uniquement pour servir ses sombres desseins en tant que champion des causes musulmanes.
Vous avez déclaré à plusieurs reprises que vous étiez prêts à établir un État palestinien fondé sur la base des lignes du cessez-le-feu de 1967. Pourquoi n’en faites-vous donc pas la politique officielle du Hamas ?
Vous devez accepter le fait qu’Israël existe, car le jour où vous aurez la capacité de faire la guerre et de la gagner n’arrivera jamais. Israël est et demeure la première puissance de la région et toute menace existentielle sérieuse à son égard reviendrait à un suicide.
Vous devez dès maintenant prendre toutes les mesures nécessaires pour changer la dynamique du conflit et procéder de façon progressive mais constante afin de montrer à l’ensemble de la communauté internationale que vous comptez mettre fin au conflit avec Israël de manière honorable :
Faites oublier à la communauté internationale, en particulier aux puissances occidentales, les stigmates du Hamas considéré comme une organisation terroriste, en renonçant à la violence et en promettant de trouver une solution à deux États, que l’Occident soutient toujours fermement.
Abandonnez vos discours empoisonnés à l’encontre d’Israël, qui ne font qu’avantager ses partis politiques de droite, leur permettant de présenter un argument convaincant selon lequel, malgré votre ouverture occasionnelle en faveur d’une solution à deux États, vous vous êtes engagés à détruire Israël.
Entamez un processus de réconciliation d’abord pour restaurer la confiance qui fait cruellement défaut entre les deux camps, et remettez à une date ultérieure les solutions aux grandes questions conflictuelles, notamment l’avenir ultime de Jérusalem, la cession des colonies et les frontières définitives.
Cessez de remuer le passé. Cette futilité sert uniquement à induire la population en erreur, à renforcer les suppositions incorrectes, à alimenter de vains espoirs, et à promouvoir les hostilités au lieu d’apaiser les tensions, la suspicion et la méfiance.
Mettez un terme à la construction des tunnels et à l’acquisition d’armes pour épargner de l’argent afin de l’investir dans de nombreux projets publics. Cette mesure démontrera aussi aux Israéliens votre détermination à parvenir à un accord de paix juste et durable auquel votre peuple aspire tant depuis plusieurs décennies.
Offrez un avenir meilleur aux jeunes de la nouvelle génération qui rêvent de liberté et de possibilités de croissance et qui désirent vivre fièrement une vie meilleure et plus productive que celle de leurs parents.
En fin de compte, Messieurs Haniyeh et Sinwar, vous, ainsi que les dirigeants israéliens qui se sont succédé, avez commis plusieurs erreurs fatales en ratant des occasions répétées de mettre un terme au conflit et d’accepter cette réalité inéluctable : vous êtes tous deux condamnés à coexister sous une forme ou une autre.
Pourquoi ne pas choisir la paix et une bonne entente maintenant, au lieu de ces politiques autodestructrices qui ne font que nuire à la cause des Palestiniens depuis deux générations ? Il n’y aura pas de perspectives de jours meilleurs tant que vous n’admettrez pas que si vos illusions offrent un certain confort temporaire, le peuple palestinien, lui, est épuisé et ne veut plus vivre et mourir en s’accrochant à des rêveries.