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mai 19, 2017

À quoi bon relancer inutilement les pourparlers israélo-palestiniens ?

Le président américain Donald Trump se rendra prochainement en Israël et en Palestine où il espère relancer le processus de paix israélo-palestinien. Et pourtant, cette relance des pourparlers ne mènera nulle part tant qu’il n’aura pas parfaitement compris la complexité de ce conflit et les raisons pour lesquelles les administrations américaines successives ont échoué dans la négociation d’un accord de paix. Donald Trump a récemment déclaré qu’il voulait « voir la paix avec Israël et les Palestiniens. Il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de paix entre Israël et les Palestiniens, aucune. » Mais sa vision réductrice du conflit suggère qu’il n’a pas idée de ce qu’il faudrait pour rétablir la paix et des raisons pour lesquelles la simple reprise du dialogue est tout bonnement inutile.

Trois obstacles de taille entravent le processus de paix israélo-palestinien. Ceux-ci doivent être aplanis avant de pouvoir reprendre les négociations : a) une méfiance réciproque et omniprésente entre les deux camps ; b) un problème de sécurité nationale des deux côtés ; et c) les illusions qu’entretiennent des extrémistes puissants dans les deux communautés, en voulant priver l’autre d’un État qui lui est propre et en pensant qu’ils peuvent tout avoir. C’est là que le processus de réconciliation doit commencer. Trump peut grandement contribuer au retour de la paix s’il arrive à persuader les deux camps d’entamer un processus qui permettrait d’alléger ces entraves.

Méfiance : cette méfiance réciproque et omniprésente ne peut être dissipée par des négociations, ni chassée par la signature d’un simple accord de confiance. C’est un processus qui doit être encouragé. Ce climat de suspicion reste l’un des problèmes les plus redoutables, qui continue d’obnubiler les deux camps et qui s’est insinué dans l’esprit de presque tous les Israéliens et Palestiniens, puisqu’aucun n’a fait l’effort de l’atténuer. Au contraire, les Israéliens et les Palestiniens ont toujours tenu des discours publics hostiles et mis en œuvre des actions concrètes sur le terrain qui n’ont fait qu’attiser cette méfiance.

Cette dernière a suscité une attitude d’obstination, teintée de dogmatisme, et renforcé les suppositions de chacun quant aux véritables intentions des autres. L’absence de confiance a également conduit à une paralysie sociale et à une perte d’espoir, tout en engendrant la peur, un sentiment aigu d’incertitude et l’incapacité de tisser des liens sociaux. Cette paranoïa s’est installée si profondément qu’elle ne peut être simplement désamorcée à la table des négociations. Les deux camps se méfient de la moindre action, aussi bien intentionnée soit-elle, prise par l’autre partie. Le scepticisme mutuel a intensifié ce sentiment de futilité dans toute concession.

C’est pourquoi le président Trump ne doit pas simplement encourager les deux parties à relancer les négociations. Il doit, au contraire, les conjurer de travailler ensemble en prenant des mesures conciliantes mutuelles en vue de cultiver un sentiment de confiance. Ce n’est qu’à ce moment que les deux camps pourront se considérer comme des partenaires dignes de confiance : un aspect fondamental à la reprise des négociations de paix avec l’assurance de parvenir à un accord.

Pour ce faire, Trump doit notamment faire pression sur Benyamin Nétanyahou pour qu’il cesse l’expansion et la légalisation des colonies clandestines, pour qu’il libère des prisonniers palestiniens, pour qu’il délivre des permis de construire avec des restrictions minimales, pour qu’il permette aux Palestiniens de mener des activités commerciales plus facilement en Israël, pour qu’il autorise plus de Palestiniens à venir travailler en Israël et, enfin, pour qu’il annonce qu’Israël est prêt à discuter de tous les enjeux conflictuels entre les deux parties.

De même, Trump doit exercer des pressions sur l’Autorité palestinienne pour que celle-ci mette fin à toutes ses incitations à la haine, s’abstienne de tenir des propos acerbes vis-à-vis d’Israël, condamne tous les actes de violence, parle ouvertement de la nécessité de faire des concessions difficiles, cherche à se réconcilier véritablement avec le Hamas et, avec l’aide des États-Unis, incite ce dernier à rejoindre le monde arabe en se ralliant à l’initiative de paix arabe. Enfin, Trump doit convaincre les dirigeants des deux côtés de dialoguer régulièrement afin de se découvrir des affinités et de favoriser la confiance entre eux.

Les deux camps doivent par ailleurs prendre des mesures entre les peuples, notamment : stimuler le tourisme des deux côtés, encourager l’activisme des femmes, soutenir les interactions estudiantines, fournir aux jeunes Palestiniens la possibilité d’étudier dans des universités israéliennes, organiser des activités sportives communes et échanger des expositions d’œuvres d’art. Toutes ces actions sont primordiales pour nouer des relations de bon voisinage et de confiance.

Sécurité nationale : les Israéliens et les Palestiniens sont inquiets et anxieux pour leur avenir. Cette peur et cette angoisse prennent racine dans un profond sentiment d’insécurité nationale. Leurs préoccupations sont grandement influencées par leurs expériences passées.

Malgré ses formidables prouesses militaires, Israël s’est toujours senti vulnérable, encore aujourd’hui, à cause des bombardements imprévisibles, des actes de terrorisme et d’autres types de violence extrême, comme les attaques au couteau et à la voiture bélier. Ce sentiment d’insécurité est devenu le leitmotiv de l’État, incitant souvent Israël à prendre des mesures disproportionnées contre les Palestiniens.

Quant à ces derniers, ils se sentent menacés par la formidable puissance militaire d’Israël, sachant qu’ils sont incapables de la vaincre. Ce sentiment de menace et d’insécurité est souvent exacerbé, notamment par la peur des raids nocturnes, des démolitions de maisons, de la perte de territoire et des détentions administratives. Le fait qu’Israël puisse prendre facilement ce type de mesures a davantage accentué cette vulnérabilité parmi les Palestiniens.

S’il veut apaiser ce sentiment mutuel d’insécurité, Donald Trump doit insister pour que les deux camps adoptent des mesures concrètes destinées à éliminer et condamner les actes de violence, et pour qu’ils travaillent main dans la main à prouver leur engagement et leur sensibilité à l’égard des préoccupations de l’autre en matière de sécurité nationale. Israéliens et Palestiniens devraient en outre se coordonner et collaborer pleinement sur toutes les questions de sécurité interne, partager des renseignements et travailler étroitement afin de prévenir tout acte de violence planifié par des extrémistes d’un côté comme de l’autre.

Illusions : les Israéliens et les Palestiniens ont des groupes de pression puissants et très influents qui pensent encore qu’ils peuvent tout avoir. En Israël, des partis tels que Foyer juif (HaBayit HaYehudi), dirigé par Naftali Bennett, qui fait partie du gouvernement de coalition, ne cessent d’appeler ouvertement à l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie, car ils pensent que les juifs ont un droit inhérent sur toute la « terre d’Israël ».

Du côté des Palestiniens, le Hamas (qui a pourtant affirmé à plusieurs reprises qu’il accepterait une solution à deux États selon les frontières de 1967) insiste sur le fait que toute la Palestine sous mandat britannique, y compris Israël, est le territoire des Palestiniens. Au mieux, ils pourraient tolérer que les juifs vivent sous domination palestinienne.

Israéliens et Palestiniens s’accrochent à ces illusions et versent dans une approche à somme nulle. Hélas, leurs dirigeants n’ont rien fait, sinon propager ces croyances. Les illusions d’Israël ont contribué à mettre au point la logique derrière l’occupation continue, tandis que les extrémistes palestiniens s’accrochent à leurs croyances tout aussi aveuglément que les Israéliens, ce qui entraîne la résistance et les craintes à l’égard du changement. Le conflit israélo-palestinien est ainsi devenu à la fois chronique et insoluble.

Pour ôter leurs illusions aux deux camps, Donald Trump doit indiquer très clairement que les États-Unis n’apporteront leur aide à la conclusion d’un accord que lorsque les deux parties auront accepté ces trois faits absolus : a) aucun d’eux ne pourra tout avoir ; b) la coexistence n’est pas une option parmi tant d’autres, elle est la seule solution ; et c) il ne sera mis un terme au conflit que sur la base d’une solution à deux États.

Trump doit comprendre que la réussite des pourparlers de paix repose entièrement sur l’élimination de ces trois obstacles, qui sera le résultat d’un processus de réconciliation, et que le mieux que les États-Unis puissent faire à ce stade est d’initier ce processus et de jouer le rôle de médiateur, tout en surveillant que les deux camps respectent bien ces exigences.

Pour ma part, je ne pense pas que Benyamin Nétanyahou autorisera la création d’un État palestinien tant qu’il sera au pouvoir et je ne crois pas que Mahmoud Abbas sera capable de faire les concessions nécessaires sans y laisser sa place. Je ne pense pas non plus que les merveilleux talents de négociateur de Donald Trump feront la différence.

Cela étant dit, ce processus de réconciliation demeure primordial, quelles que soient les circonstances, si l’on veut ouvrir la voie à un nouveau gouvernement israélien et une nouvelle Autorité palestinienne afin de garantir la paix sur des bases solides.

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