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mars 1, 2017

Trump et Nétanyahou se bercent d’illusions et ignorent la réalité

Le président Trump est resté fidèle à lui-même en déclarant lors d’une conférence de presse commune avec le Premier ministre israélien : « un État ou deux États, peu importe, du moment que les deux parties sont d’accord… Les deux me vont », faisant ainsi volte-face sur la plupart des problèmes soulevés. Ce faisant, Trump a donné à Nétanyahou ce qu’il désirait : un premier pas vers l’abandon de la solution à deux États. Pour y parvenir, Trump envisagerait d’autres options qui mobiliseraient les États arabes en vue de trouver une solution au problème palestinien. Ces derniers partagent actuellement des intérêts stratégiques mutuels avec Israël pour former un front uni contre leur ennemi commun : l’Iran.

À l’évidence, les deux dirigeants, tous deux en difficulté – Nétanyahou faisant l’objet de plusieurs enquêtes pénales pour corruption, et Trump étant attaqué de toutes parts pour ses commentaires odieux, ses contradictions et son nombrilisme –, se sont réconfortés.

Nétanyahou est rentré au pays triomphant, ayant apparemment réussi à éloigner le président américain de l’idée d’une solution à deux États. Trump s’est quant à lui présenté comme un homme d’État visionnaire en s’intéressant à une paix israélo-arabe globale à partir de laquelle on pourrait élaborer une solution au conflit israélo-palestinien.

Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a rencontré le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, la veille de cette conférence de presse. Un haut responsable jordanien à Amman m’a confié que Mahmoud Abbas a clairement fait comprendre lors de cette réunion qu’il n’y a et qu’il n’y aura jamais aucune alternative à une solution à deux États basée sur l’initiative de paix arabe. Le président Abbas a par ailleurs indiqué que la position du Hamas sur une solution à deux États était sans équivoque et qu’en tout état de cause, Gaza et la Cisjordanie doivent constituer un seul État palestinien.

Benyamin Nétanyahou a souvent prétendu qu’il continuait de croire à une solution à deux États, mais lors de ses nombreuses rencontres avec l’ancien secrétaire d’État John Kerry, il a plusieurs fois changé d’avis, notamment à Aqaba en 2016 au cours d’une réunion conjointe avec le président égyptien Sisi et le roi Abdullah de Jordanie à Aqaba en 2016, où il s’était vu présenter un plan de paix global.

Le Premier ministre israélien a affirmé que ses partenaires d’extrême droite ne toléreraient en aucun cas la création d’un État palestinien et que son gouvernement s’effondrerait s’il envisageait sérieusement cette solution. Comme s’il ne pouvait pas former un nouveau gouvernement avec des partis du centre et de la gauche soucieux de trouver une solution à deux États. Toujours est-il qu’il a continué de chanter l’hymne des deux États pour le grand public et pour que l’administration Obama le laisse en paix.

Quelles que soient les nouvelles idées concoctées par Trump et Nétanyahou, une chose est sûre : la seule solution réaliste au conflit israélo-palestinien passe que la création de deux États indépendants, un juif et un palestinien.

Pour que cette solution reste viable, il faut non seulement préserver Israël en tant que démocratie dotée d’une identité nationale juive, mais aussi répondre aux attentes du peuple palestinien : la création de son État. Une étude minutieuse d’autres possibilités éventuelles ici et là n’est pas ancrée dans la réalité.

La Jordanie n’est pas et ne deviendra jamais un État palestinien (comme certains Israéliens voudraient le faire croire), car le Royaume hachémite s’y opposera corps et âme ; un État binational portera un coup fatal au rêve sioniste ; l’établissement d’un État palestinien à Gaza face à l’incorporation de la plus grande partie de la Cisjordanie à Israël est voué à l’échec ; la création d’une fédération entre Israël, la Jordanie et la Palestine est une utopie ; et pour finir, tant que les Israéliens occuperont la Cisjordanie, les Palestiniens ne cesseront de résister avec violence à leur confinement dans des cantons, où ils règlent à leur manière leurs affaires internes, pendant qu’Israël conserve le contrôle de la sécurité.

Il est vrai que les États arabes considèrent aujourd’hui Israël comme un allié potentiel face à la menace iranienne, et il pourrait fort bien y avoir une occasion historique de résoudre le conflit israélo-palestinien dans le cadre d’une paix globale israélo-arabe. Mais cette opportunité ne peut se concrétiser que dans le contexte de l’initiative de paix arabe.

Pour qu’une paix régionale puisse s’installer, une des conditions essentielles de cette initiative est de résoudre le conflit israélo-palestinien en favorisant la solution à deux États. En effet, ce n’est que lorsqu’Israël décidera en premier de rejoindre cette initiative que les États arabes prêteront leur concours à cette solution en exerçant des pressions sur les Palestiniens pour qu’ils fassent les concessions nécessaires en vue d’obtenir un accord de paix.

Ceux qui prétendent que la solution à deux États n’est plus d’actualité et que de nouvelles propositions inédites doivent être explorées doivent savoir que de nombreuses idées sont envisagées. Aucune d’elles ne peut toutefois offrir une solution satisfaisant aux exigences des Israéliens ou des Palestiniens, à savoir la création d’États indépendants et démocratiques jouissant respectivement d’une identité nationale juive et palestinienne.

Benyamin Nétanyahou a trouvé en Donald Trump un complice. Nous avons maintenant les preuves qu’ils sont tous deux capables de tenir un double langage, d’induire les autres en erreur et de mentir purement et simplement. Ils sont tous les deux aveuglés par leur soif de pouvoir et prêts à promettre tout et n’importe quoi pour plaire à leurs électeurs inconscients. Aucun des deux n’a l’intelligence ni le courage de s’élever au-dessus de la mêlée et rien de ce qu’ils n’ont pu exprimer conjointement ne répond à cette dure réalité qu’ils choisissent d’ignorer.

Lors de leur conférence de presse, Benyamin Nétanyahou et Donald Trump ont montré qu’ils préféraient se bercer d’illusions, se ménageant une zone de confort indéniable, tout en laissant les Israéliens et les Palestiniens faire face à un avenir incertain et de mauvais augure.

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