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décembre 15, 2017

Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël. Quelles perspectives pour une solution à deux États ?

Je me trouvais en Israël lorsque Donald Trump a annoncé qu’il reconnaissait Jérusalem comme capitale d’Israël. Au départ, je pensais que les Israéliens envahiraient les rues pour célébrer ce moment « historique », mais hormis quelques bavardages et expressions de jubilation ici et là, rien d’autre n’a animé le pays. Du côté des Palestiniens, plusieurs manifestations relativement modestes ont éclaté en Cisjordanie et à Gaza. Elles se sont poursuivies les jours suivants sans trop de violence. La plupart des capitales arabes et musulmanes ont quant à elles condamné la déclaration des États-Unis. Voilà à peu près la situation actuelle.

Peut-être est-il trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais d’après tout ce que j’ai vu et entendu lorsque je me trouvais dans la région et depuis lors, il ne se passera certainement pas grand-chose de plus. La question que bon nombre de gens se posent est pourquoi ? Et pourra-t-on tirer quelque chose de positif de cette déclaration ?

Il y a environ un an, lorsque Trump a fait part de son intention de déplacer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, j’ai prédit que cette initiative aurait des conséquences importantes et qu’elle pourrait bien réduire à néant les perspectives d’un accord de paix négocié entre Israéliens et Palestiniens sur la base d’une solution à deux États.

C’est ce qui se serait produit si la déclaration de Trump avait été formulée de sorte à inclure Jérusalem-Est, directement ou indirectement, comme faisant partie de la capitale d’Israël et si elle avait ignoré la nécessité de trouver une solution à deux États. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. En réalité, Donald Trump a clairement indiqué dans son annonce que Jérusalem-Est ne faisait pas partie de l’équation.

Peu importe à quel point je suis en désaccord avec la politique étrangère globale de Donald Trump, il a eu raison d’affirmer que : « Les faits sont là. Après plus de 20 ans de dérogations [concernant le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem], nous ne sommes pas du tout plus proches d’un accord de paix durable entre Israël et les Palestiniens. » En effet, le statut définitif de Jérusalem n’a jamais constitué une question cruciale lors des négociations antérieures. Il n’y a donc aucune raison de supposer que déclarer Jérusalem comme capitale israélienne concerne Jérusalem-Est, alors que la déclaration du président américain s’est limitée – implicitement, sinon explicitement – à Jérusalem-Ouest.

« Jérusalem est le siège du gouvernement israélien moderne. Elle abrite le Parlement israélien, la Knesset, ainsi que la Cour suprême israélienne », a expliqué Donald Trump. « C’est le lieu de résidence officielle du Premier ministre et du président. C’est le siège de nombreux ministères. » Toutes ces institutions se situent à Jérusalem-Ouest, et aucune n’est susceptible d’être relocalisée à Jérusalem-Est. L’administration Trump a d’ailleurs clairement fait comprendre aux Israéliens qu’une telle initiative ne serait pas tolérée, car celle-ci provoquerait un bouleversement excessif qui saperait complètement les efforts des États-Unis pour faire avancer le processus de paix.

Trump a en outre déclaré que « Jérusalem est aujourd’hui, et doit rester, un lieu où les juifs prient au mur des Lamentations, où les chrétiens font le Chemin de croix et où les musulmans se recueillent à la mosquée Al-Aqsa. » Cela ne diffère en rien de ce qui se trouve sur la table des négociations de chaque série de pourparlers de paix depuis les accords d’Oslo de 1993-1995. En fait, lors de négociations en 2008, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas sont parvenus à un accord de base sur l’avenir de Jérusalem dans ce sens afin de préserver l’unité de la ville.

Il convient par ailleurs de souligner qu’il y a près de trente ans, les États-Unis ont acheté un terrain à Jérusalem-Ouest pour y bâtir la future ambassade américaine. Il n’a pas été envisagé à l’époque que l’ambassade des États-Unis soit construite à Jérusalem-Est, et ce n’est pas ce qui est prévu aujourd’hui.

Aucun gouvernement israélien, y compris l’actuel gouvernement dirigé par Benyamin Nétanyahou, n’a demandé à ce que l’ambassade américaine s’installe du côté est de la ville. Dès lors, le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem-Ouest ne constitue nullement une reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur Jérusalem-Est.

Selon l’administration Trump, il n’y avait rien dans la déclaration du président qui soit contraire à la prémisse selon laquelle Jérusalem finira par devenir la capitale des deux États, israélien et palestinien. En réalité, cette décision pourrait donner un nouvel élan à la reprise des négociations de paix, car les Palestiniens se rendent désormais compte que plus ils attendent, plus ils risquent de perdre du terrain. Donald Trump a déclaré : « J’estime que cette ligne de conduite est dans l’intérêt des États-Unis d’Amérique et qu’elle va dans le sens de la recherche de la paix entre Israël et les Palestiniens. Cette mesure aurait dû être prise il y a longtemps pour faire avancer le processus de paix et parvenir à un accord durable » [sans italique dans le texte original].

Et d’ajouter : « Nous ne prenons pas position sur les questions relatives au statut final, y compris les frontières précises de la souveraineté israélienne à Jérusalem, ni sur la façon de résoudre la question des frontières contestées. Ces questions relèvent des parties concernées » [sans italique dans le texte original]. Il a par ailleurs précisé que « les États-Unis appuieront une solution à deux États si c’est le choix des deux parties. » Aucune de ces affirmations ne contredit les déclarations similaires faites par les administrations américaines précédentes. Trump sait que la solution à deux États demeure la seule option réaliste.

Même si le président Abbas a reproché à Trump son annonce et a déclaré que les États-Unis étaient de parti pris et qu’ils ne constituaient plus un intermédiaire honnête, les États-Unis (en particulier le Congrès et la plupart des administrations précédentes) ont toujours favorisé les Israéliens. Cela étant dit, Abbas et tous les autres dirigeants des États arabes savent que seuls les États-Unis peuvent exercer le genre de pression nécessaire sur Israël pour trouver des compromis essentiels à la conclusion d’un accord.

En échange de l’annonce de Donald Trump, Benyamin Nétanyahou a discrètement concédé de ne pas étendre les colonies à l’extérieur des trois blocs le long des frontières de 1967. Il a également accepté de prendre des mesures visant à restaurer la confiance entre Israéliens et Palestiniens, notamment en lançant des projets conjoints de développement économique avec les Palestiniens.

Abbas peut faire fi du rôle décisif des États-Unis dans les négociations avec Israël, mais ni lui ni ses successeurs ne peuvent se permettre d’ignorer le poids des États-Unis dans les futures négociations et d’attendre un accord de paix avec les Israéliens qui réponde aux exigences fondamentales des Palestiniens.

La plupart des États arabes, menés par l’Arabie saoudite, ont critiqué l’annonce de Donald Trump, mais en sourdine, car ils sont non seulement préoccupés par des tensions nationales et régionales, mais aussi parce qu’ils comprennent les implications réelles de cette déclaration, qui n’a que peu, voire pas, d’effet sur la réalité du terrain et sur le cadre ultime d’un accord de paix.

Malgré tout, l’UE a désormais l’occasion de jouer un rôle important pour protéger le principe d’une solution à deux États en prenant des mesures importantes entre les peuples afin de rétablir la confiance entre Israéliens et Palestiniens. L’UE peut, et en fait devrait, se servir de l’aide financière qu’elle accorde aux Palestiniens et de son commerce extensif avec Israël comme d’un levier pour amorcer des changements importants dans le climat politique israélo-palestinien, afin de pouvoir entamer de véritables négociations de paix fructueuses.

Selon moi, la déclaration de Donald Trump ne change donc fondamentalement rien en ce qui concerne le principe d’une solution à deux États pour une coexistence pacifique et durable entre Israéliens et Palestiniens. Ceux qui prétendent que la solution à deux États est perdue à cause de la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale israélienne se font vraisemblablement des illusions.

Ils ont oublié ce qu’était le rêve sioniste : créer un État juif imprégné de son grand parcours historique, de sa culture, de sa religion et de son identité, qui ne peut être stable et durable que s’il demeure un État juif et démocratique qui offre un foyer sûr aux Juifs, et qui demeure éternellement comme tel.

L’option à un État va à l’encontre de tous les principes du rêve sioniste. Aucun gouvernement israélien, quelle que soit son orientation politique, ne sera prêt à se satisfaire de quelque chose d’autre qu’un État juif avec une majorité juive durable pour garantir l’identité nationale de l’État. Le statu quo est tout simplement intenable.

La déclaration de Donald Trump n’étouffe nullement les aspirations des Palestiniens à établir leur propre capitale à Jérusalem-Est, tout en maintenant l’unité de Jérusalem en tant que ville unique, microcosme de la coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens.

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