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octobre 23, 2017

Congrès : ne modifiez pas l’accord iranien, servez-vous-en

L’approche de l’administration Trump concernant l’accord iranien s’avère problématique, car elle est sortie de son contexte : les multiples conflits qui font rage au Moyen-Orient, la mesure dans laquelle l’Iran y est impliqué, et le rôle qu’il peut jouer dans leur résolution, y compris les affrontements en Syrie, au Yémen, en Irak et au Liban. Reste à savoir si Téhéran se montrera plus coopérative pour chercher des solutions à ces conflits si les signataires de l’accord iranien, en particulier les États-Unis, le respectent pleinement, ou si l’Iran décidera de jeter de l’huile sur le feu et d’attiser les tensions régionales parce que Donald Trump aura abandonné l’accord si le Congrès ne parvient pas à obtenir une entente radicalement différente ?

De toute évidence, l’Iran continue de respecter en tous points les dispositions de l’accord qui a été conclu. Ce qui est paradoxal, c’est que lorsque les États-Unis se décident enfin à conclure une entente après des années d’intense hostilité à l’issue de la révolution iranienne de 1979, ils reviennent sur leur parole. Cette situation ne fait que renforcer la conviction des Iraniens selon laquelle il ne faut pas se fier aux Américains et que les États-Unis privilégient toujours un changement de régime en Iran.

Même si cet accord se cantonne au programme d’armement nucléaire iranien, il offre des possibilités pour trouver des solutions aux différents conflits régionaux, en particulier aux transgressions persistantes de l’Iran. La décision imprudente de Donald Trump ôtera toute motivation à l’Iran de devenir un acteur régional positif.

Je ne cautionne pas le comportement répréhensible de l’Iran. Au contraire, je condamne avec la plus grande fermeté le soutien que ce pays apporte aux extrémistes violents et aux organisations terroristes ; je le condamne parce qu’il est l’un des responsables les plus cruels de cette tragique guerre civile en Syrie et parce qu’il soutient impitoyablement les Houthis au Yémen, les insurgés chiites en Irak et le Hezbollah au Liban. Cela dit, l’Iran ne peut tout simplement pas être écarté comme s’il n’avait rien à voir avec les événements tragiques qui se déroulent dans la région et qui ne peuvent être résolus sans sa pleine participation.

Ceux qui traitent avec l’Iran feraient bien de se rappeler que le comportement de ce pays comporte une dimension psychologique. En effet, l’Iran est une grande puissance du Moyen-Orient ; c’est une nation fière, héritière d’une histoire riche et vieille de plusieurs millénaires, et un pays aux innombrables ressources naturelles et humaines qui jouit d’une position géostratégique déterminante et d’une importance inégalée par aucun autre pays de la région.

Cela n’excuse pas l’attitude de l’Iran, mais au vu de son orgueil national profondément enraciné, ce dernier n’a pas l’habitude de céder aux intimidations et aux menaces. Comme l’Iran respecte en tous points l’accord négocié de bonne foi par l’administration Obama, Téhéran a réussi à renforcer sa crédibilité et sa stature aux yeux de la communauté internationale. Hélas, on ne peut pas en dire autant de l’administration Trump.

Pourquoi Téhéran devrait-elle accepter de renégocier cette entente, alors que l’UE, la Russie et la Chine y sont toujours attachées en l’état ? Lundi dernier, l’Union européenne a d’ailleurs soutenu l’accord en déclarant : « L’UE est déterminée à ce que toutes les parties du plan d’action global commun continuent d’être intégralement et effectivement mises en œuvre ». Elle considère que cette entente fonctionne et qu’elle joue un rôle essentiel dans les efforts de non-prolifération nucléaire. Toucher à cet accord risque donc d’isoler les États-Unis plutôt que l’Iran, puisque ce sont les Américains qui en violent l’esprit et la lettre.

Il est extrêmement peu probable que le Congrès accepte de modifier cette entente pour la rendre acceptable aux yeux de Trump, car cela permettrait à l’Iran de se retirer de l’accord et de reprendre le développement de son programme nucléaire, menant inévitablement à la prolifération des armes nucléaires.

Si Trump tient parole et abandonne complètement l’accord, les États-Unis devront imposer de nouvelles sanctions à l’Iran contre la volonté de leurs alliés européens. Cette situation ne fera que creuser le fossé qui les sépare des États-Unis, car ils sont résolus à ne pas suivre la politique malavisée et incongrue de Donald Trump.

Il est stupéfiant de voir qu’un président aussi naïf en ce qui concerne les relations étrangères et les implications de la fin de l’accord iranien refuse d’écouter les conseils de son équipe de sécurité nationale (y compris son secrétaire à la défense James Mattis) selon lesquels cette entente sert les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis.

Trump préfère suivre le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou qui ignore le fait que l’Iran sera libre de reprendre son programme nucléaire, une fois l’accord résilié, ce qui pourrait représenter une menace pour la sécurité nationale d’Israël. C’est pourtant ce qu’il souhaite éviter à tout prix. De plus, il regarde l’Iran à travers un prisme très réducteur, comme si Téhéran ne répondait qu’à la force et aux sanctions, ce qui dépasse les limites de la stupidité.

Même si l’Iran est déterminé à se doter d’armes nucléaires en fin de compte, il est absurde de suggérer que son intention est de détruire Israël ou tout autre allié des États-Unis dans la région. Téhéran est délibérée, prudente et rationnelle ; elle sait que si elle décide de mettre au point des armes nucléaires, Israël, les États-Unis, ou les deux pays utiliseront tous les moyens disponibles (y compris la puissance militaire) pour l’empêcher d’atteindre son objectif. En effet, aussi intransigeant que puisse être l’Iran, le régime n’est pas suicidaire.

Toute modification de l’accord iranien devrait d’abord être tentée par l’intermédiaire de voies diplomatiques. Autrement dit, si l’objectif est d’empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires une fois que l’accord actuel aura expiré, pourquoi ne pas engager l’Iran dès maintenant dans des activités de diplomatie discrète (en dépit de l’opposition populaire véhémente) et évaluer où il en est réellement et quelle sorte de contrepartie Téhéran chercherait à obtenir pour modifier l’accord.

Une chose est sure, dans leur quête d’une solution au conflit avec Téhéran, les États-Unis doivent cibler des domaines d’intérêt mutuel bénéfiques aux deux camps. Les conflits qui déchirent le Moyen-Orient représentent une occasion de travailler avec l’Iran pour mettre fin à la guerre civile en Syrie, apaiser le conflit au Yémen, et même de coopérer pour combattre la radicalisation et l’extrémisme violent. Oui, l’Iran aspire à l’hégémonie régionale, mais tant qu’il sera traité avec respect et qu’il aura l’assurance que les États-Unis n’essayeront pas de changer son régime aujourd’hui ou demain, il freinera ses ambitions.

Lors de la campagne présidentielle, Donald Trump a fait une promesse irréfléchie et préjudiciable : annuler l’accord iranien le premier jour de son entrée en fonction. Cet engagement n’a fait que mettre les États-Unis dans l’embarras, au lieu de démontrer ce qu’il ne cesse de répéter bêtement – qu’il s’agit du pire accord jamais conclu par les États-Unis.

Si les sénateurs républicains et les membres de la Chambre des représentants ont encore un peu de cran, ils devraient arrêter de se comporter comme une secte suivant aveuglément son gourou. Ils devraient adopter un projet de loi pour empêcher Trump de mettre fin à cet accord, comme celui qu’ils ont adopté pour le priver du pouvoir de lever les sanctions sur la Russie par décret exécutif.

Le Congrès pourrait modifier cet accord, mais perdre le soutien de nos alliés – qui sont déterminés à le préserver et qui refusent d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran – serait la plus grande honte pour ce qu’il reste du leadership américain.

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